Si, depuis les Grecs, s’est jouée au théâtre la vie vraie, frémissante, offerte au public en sacrifice d’une illusion de vie, au XVIIe siècle, le théâtre marquera l’Espagne catholique du sceau de la vie même. Théâtre du cœur palpitant d’un peuple ‘colérique’, arène où se jouent vie et mort tout à la fois, résurrection du sang versé, croix portée ou banderille fichée sur l’échine de l’animal voué au rite: là, en son labyrinthe théâtral, l’Espagne naît d’un regard suberptice porté sur le monde – regard du moqueur, de l’impénitent, regard du crucifié ou du bourreau, regard de l’œil pers d’un peuple entier qui, regardant, se voit être – voit qu’il est. De Lope de Vega à Calderón, toutes les grandes figures du théâtre espagnol sont approchées par Bergamín dans cet essai fulgurant.
« L’écriture baroque de Bergamín se déploie dans une tentative inouïe de faire entendre le “pas impétueux et cadencé de cette énorme foule de chimères”, de ces milliers et milliers de comédies de Lope et de son école, qui ont fait que l’Espagne soit ce qu’elle est, “entière et vraie”. » Jean-Baptiste Marongiu (Libération).
Espagnol s’il en fut, figure de proue de sa génération, bien que délibérément classique et paradoxal, José Bergamín (1895-1983) n’a cessé de brouiller les pistes. On peut lire à L’éclat : L’importance du démon et autres choses sans importance (1993), Terrorisme et persécution religieuse en Espagne. 1936-1939 (2007) ou En tauromachie, tout est mensonge et tout est vérité (2012).
La première édition de ce livre a paru en 1992 dans la collection « Philosophie imaginaire». La traduction a été révisée pour cette nouvelle édition par le traducteur, qui a rédigé une nouvelle préface.