L’oeuvre narrative d’Amichaï est contaminée par sa poésie, et dans les six nouvelles publiées ici, l’intrigue, souvent amoureuse ou guerrière, bascule dans un univers aux limites extrêmes de la réalité. La vie, alors, est bel et bien un songe, pour ce soldat de La bataille sur la colline, ou ces amants d’Un amour à l’envers, ou ces amis de L’orgie. Comme le songe de ces morts successives d’un père au fil du temps, comme le songe de cette neige qui tombe sur Jérusalem pour que les aveugles puissent la voir telle que nous la voyons : lisse et blanche aux yeux du piéton de la «Venise de Dieu » qu’a été Amichaï.
Poète d’une terre sujette aux tremblements des hommes qui l’habitent, d’une langue hantée par ses sens mystiques, Yehuda Amichaï (1924-2000) accompagne l’histoire tout entière d’Israël, depuis les balbutiements des utopies pionnières jusqu’aux ultimes combats pour «la paix maintenant». Il laisse en héritage à des générations nourries de sa poésie la tâche, difficile, d’écrire à sa suite : « En ce beau jour d’automne, /je fonde, /à nouveau, Jérusalem. /Les rouleaux de sa fondation/ volent en l’air:/ oiseaux, pensées.»