Miroir noir... Bel oxymoron! Ainsi débute cette remarquable contribution à l'histoire de la culture visuelle occidentale. Dans cette première étude «panoramique» d''un instrument d'optique largement oublié, Arnaud Maillet recadre notre compréhension historique de l'expérience visuelle et les diverses significations possibles du miroir noir en mettant cet objet ambigu en relation avec les notions de transparence, d'opacité et d'imagination. Si ce petit instrument d'optique, longtemps confondu avec d'autres, connut une popularité avérée à la fin du XVIIIe siècle dans l'Europe des amateurs de pittoresque, il fut rejeté au XIXe siècle puis totalement oublié (ou presque) de nos jours. Objet scientifique pour les savants, magiques pour les occultistes, cultuel pour certaines civilisations, objets de recherches esthétiques pour les peintres et expérimentales pour les artistes contemporains, ce miroir est également indissociable du désir, de la prothèse, de la mélancolie et de la mort. Il s'agit alors de comprendre que ces divers aspects du miroir noir bien souvent ne s'opposent pas, mais constitue plutôt l'unité homogène, cohérente et fondamentale de toute un pan de notre culture s'articulant autour de l'équation clair/obscur. De Claude Lorrain à Christian Boltanski en passant par Alberti, de Piles, Gilpin, Coleridge, Ruskin, Matisse ou Richter, Le miroir noir nous emmène des origines magiques et occultes du miroir noir jusqu'à ses avatars actuels à travers une série de pratiques picturales et technologiques telles que la photographie, le cinéma et l'art contemporain. Traverser ce miroir sans craindre de s'abîmer dans le côté obscur nous confronte à une évidence: c'est dans l'aveuglement que se constitue le regard.
Arnaud Maillet a soutenu une thèse d'histoire de l'art sur esthétique et optique dans l'art du XVIIIe siècle. Le miroir noir est son premier ouvrage. Il est également l'auteur de Prothèses lunatiques. De la science aux fantasmes.