éditions de l'éclat, philosophie

MAZZINO MONTINARI
«LA VOLONTÉ DE PUISSANCE » N'EXISTE PAS

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La nouvelle
édition critique
des œuvres complètes
de Friedrich Nietzsche

 

 








1. N.d.e. – Ce texte de Montinari a paru pour la première fois en anglais sous le titre : « The new critical edition of Nietzsche's complete Works » [translated by David P. Thatcher] in The Malahat Review, University of Victoria, n. 24, oct. 1972, pp. 121-133 ; puis, à trois reprises, en allemand (« Die neue kritische Gesamtausgabe von Nietzsches Werken », 1) in Literatur-Magazin, 12 « Nietzsche », Rowohlt, Reinbeck bei Hamburg, 1980, pp. 317-328 ; 2) préface à F. Nietzsche, Sämtliche Werke. Kritische Studienausgabe, édité par Giorgio Colli et Mazzino Montinari, dtv – de Gruyter, München, 1980, vol. 14, pp. 7-17 ; 3) in M. Montinari, Nietzsche lesen, Walter de Gruyter, Berlin-New York 1982, pp. 9-21), puis en italien sous le titre « Prologo », in M. Montinari, Su Nietzsche, Editori Riuniti, Roma, 1981, pp. 3-13. [N.d.t. – Pour cet essai, comme pour ceux qui suivent, nous avons principalement traduit à partir du texte italien, en tenant toutefois compte des ajouts ou des modifications notables des autres versions – et en particulier de la plus récente. Les différentes “coutures” et interpolations de textes n'ont eu pour but que de donner une version la plus complète possible de ces essais, maintes fois repris par Montinari. S'agissant d'un recueil sur une autre “sorte” de découpage et collage, nous nous devions de prévenir le lecteur de ces modifications, qu'il ne nous a pas semblé nécessaire de signaler tout au long du texte. Il lui suffira, s'il le souhaite, de se reporter aux différents originaux en italien et en allemand.]

2. Friedrich Nietzsche, Werke, kritische Gesamtausgabe, édité par Giorgio Colli et Mazzino Montinari, Berlin, 1967 sqq., Traductions : Editions Gallimard, Paris, 1965 sqq., pour la version française [à laquelle nous nous référerons le plus souvent sous le signe OPC] ; Adelphi Edizioni s.p.a., Milano, 1964 sq., pour la version italienne [par la suite OFN] ; Board of Trustees of the Leland Stanford Junior University, pour la version anglaise ; Hakusuisha Publishing Comp., Tokyo pour la version japonaise.

3. N.d.e. – Montinari fait allusion à son grand ami Angelo Pasquinelli qui rejoignit alors les partisans italiens. Éditeur et traducteur d'un corpus des Présocratiques (I presocratici. Frammenti e testimonianze, Einaudi, Torino, 1958) dans la collection que dirigeait alors Giorgio Colli, et auteur d'un essai sur Schopenhauer (« La fortuna di Schopenhauer », in Rivista di filosofia, 1951, vol. 42), Angelo Pasquinelli mourut en 1956. Il n'avait pas trente ans. C'est à cette époque que Colli et Montinari reprirent contact et commencèrent à travailler ensemble.

Montinari a évoqué en d'autres occasions cet épisode décisif de sa formation : «La guerre, la résistance contre le fascisme, la première lecture de Nietzsche, de Platon, de Kant, la première musique (Beethoven), la première découverte du sens de l'amitié qui me liait à Giorgio [Colli] et à Angelo [Pasquinelli]: tout cela avait, dès l'âge de quatorze ans, marqué ma vie d'un sceau indélébile. » («Ricordo di Giorgio Colli » in Giorgio Colli. Incontro di studio, édité par S. Barbera et G. Campioni, tr. fr. in G. Colli, Philosophie de l'expression, L'éclat, Combas, 1988, p. 221). À la mort de Giorgio Colli, Montinari publia également un article d'hommage dans L'Espresso du 21 janvier 1979, évoquant une nouvelle fois la figure de Colli professeur de lycée : «Il aimait et recherchait la compagnie des jeunes, il avait confiance en leur enthousiasme, et était radical comme le sont les jeunes. Sa confiance s'accompagnait pourtant d'une insistante demande de travail et d'apprentissage, en revenant directement aux sources. C'est ainsi qu'il nous fit comprendre qu'il était indispensable de lire les philosophes dans leur langue originale, et qu'il nous fallait apprendre l'allemand pour lire Kant, Schopenhauer, Nietzsche, connaître mieux le latin pour Spinoza et Giordano Bruno, le grec pour Platon et les anciens sages de la Grèce. C'est lui qui nous initia aux difficiles questions de philologie liées, par exemple, à la chronologie et à l'authenticité des dialogues platoniciens, ou aux témoignages et fragments des présocratiques » (M. Montinari, « Lavò la faccia al superuomo », in L'Espresso, n° 3, 21 janvier 1979 – le titre (on s'en doute) est de la rédaction de l'hebdomadaire). Cf. Giuliano Campioni, Leggere Nietzsche. Alle origini dell'edizione critica Colli-Montinari. Con lettere e testi inediti, ETS, Pise, 1992, pp. 19 sq.

4. Richard Roos, « Les derniers écrits de Nietzsche et leur publication », in Revue Philosophique, 146 (1956), pp. 262-287 ; Friedrich Nietzsche, Werke in drei Banden, édité par Karl Schlechta, München, 1956-58, et en particulier l'appendice de K. Schlechta au volume III, pp. 1383-1432 (Philologischer Nachbericht).

5. Parallèlement à la Großoktavausgabe, fut publiée également une Kleinoktavausgabe, identique quant au texte et à la pagination, mais ne comprenant que seize volumes (manquaient les Écrits philologiques, soit les volumes XVII-XIX). La seule différence concernait le format («petit in-octavo » au lieu de « grand in-octavo ») et l'édition en caractères gothiques et non en lettres latines. Pour une vision d'ensemble des éditions des œuvres complètes réalisées par le Nietzsche-Archiv, cf. la liste établie par Richard Oehler, in Friedrich Nietzsche, Werke und Briefe, historisch-kritische Gesamtausgabe, Werke, vol. I, pp. XXVIII-XXIX, München, 1933. [N.d.e. – Sur ce sujet voir le célèbre livre de David Marc Hoffmann, Zur Geschichte des Nietzsche-Archiv. Chronik, Studien und Dokumente, Berlin-New York, Walter de Gruyter, 1991.]

6. Ce texte fait partie de l'écrit posthume de l'époque de Bâle (1972), « Cinq préfaces pour cinq livres non écrits » in OPC, I, 2.

7. 1894, édité par Fritz Koegel ; 1899, édité par Arthur Seidl ; 1906, édité par le Nietzsche-Archiv (Peter Gast).

8. N.d.t.Umwertung, qui fut traduit successivement par «Transmutation», «Transvaluation», «Renversement» et, récemment dans la réédition de La Volonté de puissance (Tel, Gallimard, 1996), «Conversion» (sic) et «Bouleversement». La traduction «Inversion» – à laquelle nous nous sommes tenus – est celle adoptée, jusqu'à présent (bien que non systématiquement), dans l'édition des OPC ; cf. la note du traducteur J.-C. Hémery, in OPC, VIII, p. 444.

9. F. Nietzsche, Werke, Taschen-Ausgabe, vol. IX, La Volonté de puissance 1884-88. Tentative d'Inversion de toutes les valeurs ; vol. X, La Volonté de puissance 1884-88 (suite), Le Crépuscule des Idoles, 1888, L'Antéchrist 1888, Dithyrambes de Dionysos, 1888, Leipzig, C. G. Naumann Verlag, 1906.

10. Elisabeth Förster-Nietzsche écrit dans sa note finale au volume IX de la Taschen-Ausgabe : « La première édition de La Volonté de puissance fut publiée en 1901 : cette nouvelle édition a été entièrement refondue et réorganisée : les premier et troisième livres par Monsieur Peter Gast, les deuxième et le quatrième par moi. »

11. Cf. p. 49sq.

12. Cf. August Horneffer, Nietzsche als Moralist und Schriftsteller, Iéna, 1906 ; Ernst Horneffer, Nietzsches letztes Schaffen, Iéna, 1907.

13. Cf. l'article « Critique du texte...».

14. In Bericht über die neunte ordentliche Mitgliederversammlung der Gesellschaft der Freunde des Nietzsches-Archivs, Weimar, 1935, p. 15.

15. Cf. H. J. Mette, Der handschriftliche Nachlasse Friedrich Nietzsches, Leipzig, 1932, pp. 81-82.

16. Cf. q. J. Mette, « Sachlicher Vorbericht zur Gesamtausgabe der Werke Friedrich Nietzsches », in Friedrich Nietzsche, Werke und Briefe, cit., vol. I, pp. CXXI-CXXII.

17. Cf. R. Pannwitz, « Nietzsche-Philologie ? » in Merkur 11 (1957), pp. 1073-1087. [N.d.e. – Voir la réponse de Karl Schlechta dans son livre Le cas Nietzsche, Gallimard, Paris, 1960, pp. 141-167].

18. E. Förster-Nietzsche, Das Leben Friedrich Nietzsche's (en 2 voll. [le second étant en 2 tomes, ce qui donne l'idée des dimensions de cet ouvrage, inversement proportionnelles à son importance]), Leipzig, 1895, 1897, 1904.

19. N.d.t. – Le 8 avril, Mazzino Montinari adresse à Colli sa première lettre de Weimar : « J'ai attendu pour t'écrire d'avoir les idées plus claires et faire avec toi un bilan de ces splendides journées de travail et d'enthousiasme... Crois-moi, depuis le début de mon travail, je souffre quasiment à cause de la tension et du désir de conclure et parce que je me rends compte qu'il faudra encore beaucoup de temps. Et, ce qui est mieux, qu'il sera également possible de tout faire de manière sérieuse, nouvelle, définitive ... Je travaille quatre jours par semaine, de six à sept heures par jour ... Ce séjour est sans doute l'événement le plus important de ma vie. Je te suis reconnaissant d'avoir eu cette idée du voyage à Weimar : je ne l'ai pas oublié. Nous ferons une grande édition-traduction de Nietzsche ... Je suis content, un peu inquiet pour toi, je t'embrasse, Mazzino. », «Mazzino Montinari : Lettere da Weimar a Colli (1961-1970) » in Giuliano Campioni, Leggere Nietzsche, cit., pp. 256-257.

20. L'appui dont nous avons bénéficié alors fut reconduit par le successeur de Holtzhauer, Walter Dietze. Qu'il soit expressément et amicalement remercié ici.

21. Il m'est agréable d'évoquer en cette occasion Maria Ludovica Fama Pampaloni et Sossio Giametta qui, de 1961 à 1964, participèrent à Weimar et à Florence, au travail d'établissement de l'édition critique allemande.

22. N.d.e. – Il s'agit du colloque de Royaumont dont les actes furent publiés sous le titre Nietzsche, Cahiers de Royaumont, VIIe colloque, 4-8 Juillet 1964, Éditions de Minuit, Paris 1967; la conférence de Colli et Montinari, « État des textes de Nietzsche », se trouve aux pages 127-140. Pour tout ce qui concerne la recherche d'un éditeur allemand et la démarche de Colli et Montinari au cours de leur présentation au colloque, voir G. Campioni, Leggere Nietzsche, cit., pp. 129-135.

Dans un autre article à la mémoire de Giorgio Colli, Montinari rappelle ainsi cet épisode : «La réalisation matérielle de l'édition fut rendue possible grâce au regain d'intérêt pour Nietzsche en France, au début des années soixante ; mais je me souviens que nous avons bien ri, Colli et moi, quand, invités à parler de notre travail au colloque de Royaumont sur Nietzsche (juillet 1964), nous prîmes incognito le bus qui devait nous mener de Paris à l'abbaye et nous entendîmes un célèbre universitaire italien, spécialiste de Nietzsche, qui bredouilla une réponse embarrassée aux questions insistantes d'un collègue français, curieux de savoir pour quelles raisons des italiens inconnus s'étaient mis en tête de faire une édition des œuvres de Nietzsche » (M. Montinari, Presenza della filosofia. Il significato della filosofia di Giorgio Colli, in «Rinascita», n° 7, 16 février 1979, p. 42, cit. in G. Campioni, op. cit., p. 133).

23. N.d.e. – À ce jour 28 volumes des œuvres ont parus.

24. N.d.e. – Montinari est bien conscient du fait que dans le domaine des études nietzschéennes, les découvertes philologiques sont lentes à s'imposer, et il se souvient peut-être de la désillusion de Karl Schlechta à propos de l'édition critique des lettres : « Mes collaborateurs et moi-même avons découvert et prouvé les falsifications, en 1937 – donc deux années après que la falsificatrice avait eu l'honneur de funérailles nationales […] Quand, en 1938, parut le premier volume de lettres de l'édition historico-critique – avouons-le aux héros d'aujourd'hui – nous nous demandions avec anxiété ce qui allait se produire. Il ne se produisit rien, car les héros d'alors lisaient aussi peu Nietzsche que les héros actuels ; ils se contentaient de le citer. » (K. Schlechta, Le cas Nietzsche, cit. pp. 132-133).

25. Aujourd'hui avec l'aide de Fritz Bornmann et Mario Carpitella (écrits philologiques et leçons de l'époque de Bâle), de Helge Anania Hess (correspondances) et de Marie Luise Haase (appareil critique des œuvres). Wolfgang Müller-Lauter (Berlin), Karl Pestalozzi (Bâle) Jörg Salaquadra (Magonza) ont suivi et suivent encore en tant que consultants amicaux la publication de l'édition critique. [N.d.e. Mazzino Montinari est mort le 24 novembre 1986, il y a donc tout juste dix ans. L'édition continue sous la direction de W. Müller-Lauter et K. Pestalozzi ; voir l'article de W. Müller-Lauter : «Zwischenbilanz. Zur Weiterführung der von Montinari mitbegründeten Nietzsche-Editionen nach 1986», in Nietzsche-Studien, vol. 23 (1994), pp. 307-316.]

1.

L'édition critique des œuvres complètes de Nietzsche2 a une préhistoire. C'est vers 1943, dans la petite ville médiévale de Lucques, entre Florence et Pise, que nous entendîmes pour la première fois prononcer le nom de Friedrich Nietzsche par notre professeur de philosophie, Giorgio Colli. Colli avait alors vingt-six ans et il s'efforçait de guider notre petit groupe de lycéens à travers les « terres arides » de la philologie, pour nous donner une idée de la philosophie grecque. C'est lui, également, qui nous initia à l'antifascisme. Le plus courageux d'entre nous entra dans la résistance3, tandis que la plupart des autres élèves furent renvoyés du lycée à la suite d'une manifestation antifasciste. Colli dut se réfugier en Suisse. Au cours de ces années sombres de 1943-1944, les élèves renvoyés se réunissaient le plus souvent chez moi : nous préparions alors de nouvelles actions pour taquiner les fascistes ; nous étudiions aussi un peu avec les moyens du bord et l'aide d'autres enseignants antifascistes, lisant et commentant ensemble des passages de l'œuvre de Platon, de Kant et de… Ainsi parlait Zarathoustra.

Mais à quoi bon rappeler tout cela ? Pour montrer à quel point l'équation (aussi fausse qu'elle est idéologique) : Nietzsche = fascisme, était pour nous, lycéens italiens antifascistes, absolument dénuée de sens. Notre rapport à Nietzsche resta, pour l'essentiel, libre de toute hypothèque, même lorsqu'après la guerre, en Allemagne, son œuvre fut sujette à la dénazification.

En 1958, après une série d'expériences personnelles des plus diverses, je retrouvai à Florence, pour un travail commun, mon ancien professeur de philosophie, Giorgio Colli, devenu professeur d'histoire de la philosophie antique à l'Université de Pise.

Mon ami voulait entreprendre, pour l'éditeur Giulio Einaudi, une nouvelle traduction italienne des écrits de Nietzsche qui fût la plus complète possible (comprenant les œuvres publiées et les posthumes) ; c'est à cette occasion que nous fûmes confrontés au débat, réactualisé en France par Richard Roos et en Allemagne par Karl Schlechta4, sur la fiabilité des derniers écrits de Nietzsche publiés jusqu'alors, et en particulier à la question de ladite « principale œuvre philosophique en prose » (selon la définition qu'en donne Elisabeth Förster-Nietzsche) : La Volonté de puissance.

 

2.

 

Quelle était la situation de l'édition des œuvres de Nietzsche avant l'entreprise très discutée de Karl Schlechta ?

Après avoir freiné l'élan de Peter Gast qui, dès 1892-1893, avait projeté une édition des œuvres complètes de Nietzsche, Elisabeth Förster-Nietzsche fonda à Naumburg (1894) le Nietzsche-Archiv, qu'elle transféra ensuite à Weimar. La présence dans cette ville des grandes archives des classiques allemands (Archives Goethe-Schiller) l'aura sans doute influencée dans le choix de ce nouveau siège. La fameuse Großoktavausgabe des œuvres de Nietzsche est le résultat le plus important de toute l'activité éditoriale du Nietzsche-Archiv : elle fut publiée à Leipzig entre 1894 et 1926, tout d'abord chez l'éditeur C. G. Naumann, puis chez Kröner. Voici comment elle est structurée :

Première section, voll. I-VIII : les œuvres publiées par Nietzsche lui-même, bien que le volume VIII contienne également L'Antéchrist, Les Dithyrambes de Dionysos, des poésies, des aphorismes et des fragments poétiques posthumes.

Deuxième section : voll. IX-XVI : posthumes. Dans le volume XV, Ecce Homo et les deux premiers livres de ladite Volonté de puissance ; dans le volume XVI, les livres III et IV de cette même Volonté de puissance, accompagnés du commentaire philologique d'Otto Weiss. Les volumes XV-XVI parurent pour la première fois en 1911 et devaient remplacer le précédent volume XV (1901) qui contenait une version plus réduite de La Volonté de puissance. La nouvelle édition des volumes IX-XII devait également se substituer à celle publiée en 1896-1897 par Fritz Koegel.

Troisième section : voll. XVII-XIX : Philologica, contenant les textes philologiques de Nietzsche en même temps qu'un choix des cours de l'époque de Bâle.

Le volume XX contenait un index établi par Richard Oehler5.

La Großoktavausgabe servit de base pour toutes les éditions successives, y compris l'édition Musarion (1922). Celle-ci se différenciait de la première du fait de la publication, dans le premier volume, d'un certain nombre d'écrits de jeunesse – jusqu'alors inconnus – datant des années 1958-68, d'une nouvelle collation des écrits philologiques avec les manuscrits et enfin, de la publication de la Préface, encore inconnue comme telle, Sur le pathos de la vérité 6. Pour le reste, l'édition Musarion reprend, sans le vérifier, le matériau de la Großoktavausgabe, selon un ordre différent et plus chronologique. Ainsi, pour ce qui concerne les posthumes, elle est identique à la Großoktavausgabe : aussi incomplète et aussi peu fiable que celle-ci. Son caractère monumental est à la mesure inverse de sa valeur scientifique.

 

3.

 

La "Großoktavausgabe" fut donc publiée à Leipzig à partir de 1894. Les éditeurs se succédèrent au rythme des humeurs et des “dispositions” d'Elisabeth Förster-Nietzsche. (Mais il s'agit d'un chapitre en soi – quand bien même n'est-il pas le plus inintéressant de la longue histoire éditoriale des œuvres de Nietzsche.) La première section de la Großoktavausgabe, malgré la procession des éditeurs responsables, ne présente du reste aucune variante remarquable dans le texte : seul le volume VIII parut dans trois versions différentes7. Il en va tout autrement pour la deuxième section, à savoir l'édition des textes posthumes. Elle fut publiée entre 1901 et 1911. Dans les détails, ce qui constitue la plus importante réalisation éditoriale du Nietzsche-Archiv se présente de la manière suivante :

Voll. IX-X (1903), édités par Ernst Holzer ; ces volumes contiennent des écrits et des fragments posthumes allant de 1869 à 1876. L'ordre plus ou moins chronologique des fragments et la table générale des manuscrits qu'accompagne une note philologique de Holzer en appendice font de ces volumes les plus fiables de l'édition.

Voll. XI-XII (1901), édités par Ernst et August Horneffer ; ces volumes contiennent des fragments posthumes allant de l'époque de Humain, trop humain jusqu'à Ainsi parlait Zarathoustra, soit de 1875-76 à 1886 (ajouts au Zarathoustra). Dans la mesure où les manuscrits d'où sont tirés les fragments publiés dans ces volumes, correspondent à une période relativement brève, la chronologie est respectée. Toutefois, le classement, prétendument neutre, de ces fragments en rubriques intitulées « philosophie en général », « Métaphysique », « Morale », « Femme et Enfant », etc. empêche de les considérer en fonction de leur contexte spécifique ; de sorte qu'il n'est pas possible, par exemple, de suivre la genèse des œuvres de Nietzsche de cette époque.

Vol. XIII (1903), édité par Peter Gast et August Horneffer, contenant du « matériau inédit de l'époque de l'Inversion8», à savoir de 1882-83 à 1888. Il constitue une sorte de dépôt du matériau philosophique écarté de cette même époque ; on y trouve donc des fragments qui n'avaient pas été retenus dans La Volonté de puissance, bien que provenant des mêmes manuscrits et des plans utilisés pour La Volonté de puissance. Les fragments, une fois encore, ne sont pas ordonnés chronologiquement (ce qui, pour une période aussi courte, constitue une circonstance aggravante), mais classés par thèmes.

Vol. XIV (1904), édité par Peter Gast et Elisabeth Förster-Nietzsche ; c'est, en fait, une amplification du dépôt pour le matériau philosophique écarté de l'époque de l'Inversion. Ces fragments ont été également composés entre 1882-83 et 1888. Ils sont tirés des mêmes manuscrits et plans qui avaient servis à la compilation de La Volonté de puissance et ne sont pas ordonnés chronologiquement, mais classés par thèmes. Ce n'est que dans la seule deuxième partie du volume que l'on trouve certains fragments organisés chronologiquement et plus précisément dans la rubrique : « Tiré du matériau pour les Préfaces » (il s'agit des Préfaces aux nouvelles éditions des œuvres de Nietzsche datant des années 1886 et 1887).

À la fin des volumes XIII et XIV sont mentionnés les numéros de page des manuscrits où figurent les fragments publiés.

Voll. XV-XVI (1911) édités par Otto Weiss ; ils contiennent Ecce Homo et La Volonté de puissance sous sa forme augmentée et définitive telle qu'elle avait été précédemment publiée par Peter Gast et Elisabeth Förster-Nietzsche, dans l'« édition de poche » de 19069. Weiss y ajouta : 1) Les plans, l'ordonnance en rubrique du matériau et les esquisses de 1882 à 1888 (la multiplicité de ces plans – et il s'en faut de beaucoup pour qu'ils figurent tous – est la meilleure réfutation du choix en faveur d'un plan de 1887, sur la base duquel Peter Gast et Elisabeth Förster-Nietzsche préparèrent leur compilation) ; 2) des notes au texte qui – comme l'a justement observé Richard Roos –, pour un éditeur tel qu'Otto Weiss, qui s'était montré en d'autres occasions philologiquement fiable, trahissent un certain cynisme. Ces notes révèlent au lecteur une partie des innombrables omissions, interpolations, divisions arbitraires de textes qui sont étroitement liés : dans ce cas, en somme, les notes réfutent le texte. L'index des différents manuscrits d'où sont tirés les soi-disant aphorismes de La Volonté de puissance, et une table chronologique des manuscrits à la fin du volume, révèlent involontairement la dimension effective du travail de compilation. En outre, il ne faut pas oublier que les fragments des volumes XIII et XIV proviennent des mêmes manuscrits dont ont été tirés ceux des volumes XV et XVI. Le choix des textes, la construction d'un système nietzschéen, dans La Volonté de puissance – fait grave de conséquences et qui aura des répercutions pendant des décennies sur les études nietzschéennes – est à mettre au seul compte des deux incapables sur le plan philologique (et philosophique) que furent Heinrich Köselitz (alias Peter Gast) et Elisabeth Förster-Nietzsche10. Mais ce n'est pas tout. La nouvelle Volonté de puissance de 1906-11 devait remplacer l'ancien volume XV, contenant la première. Édité par Peter Gast et Ernst & August Horneffer, cette première version avait été publiée en 1901. Elle ne contenait que 483 aphorismes par rapport aux 1067 de l'édition définitive. Dans cette dernière pourtant, 17 des 483 aphorismes de la première édition avaient disparu. Seuls 5 d'entre eux furent réintroduits par Otto Weiss dans l'appendice de son édition, comme « incertains », bien qu'il s'agisse évidemment de textes authentiques de Nietzsche. Par rapport à la première version, la nouvelle ne faisait qu'aggraver la situation, dans la mesure où 25 textes, étroitement liés entre eux et souvent très importants, avaient été démembrés et s'étaient transformés en 55 fragments : comme, par exemple, le fameux fragment sur le « nihilisme européen » (daté par Nietzsche : Lenzer Heider, 10 juin 1887)11. Ce fragment, comme bon nombre d'autres encore, est plus lisible dans l'édition de 1901 que dans celle, devenue canonique, de 1906-11. Il faut noter enfin qu'Elisabeth Förster-Nietzsche ne publia certains fragments posthumes – appartenant aussi aux cahiers de ladite époque de l'Inversion – que dans ses ouvrages biographiques.

 

4.

 

Ernst et August Horneffer12 avaient déjà démontré, dès 1906-1907, que la compilation de La Volonté de puissance comme œuvre « philosophique » principale de Nietzsche, était scientifiquement insoutenable, ce que répétèrent cinquante ans plus tard Richard Roos et Karl Schlechta13. Ce jugement – à savoir que Nietzsche n'a pas écrit et avait même finalement renoncé à écrire une œuvre portant ce titre – était donc un fait admis quand, au début des années trente, au Nietzsche-Archiv on voulut préparer une nouvelle édition des œuvres de Nietzsche, c'est-à-dire quand fut commencée l'Historisch-kritische Gesamtausgabe (éditée par Hans Joachim Mette et Karl Schlechta, 1933, sq). Ainsi, le 5 décembre 1934, Walter Otto, membre du comité scientifique de la nouvelle édition, pouvait déclarer : « Un travail extraordinairement important, mais d'autant plus difficile, attend les éditeurs des posthumes des dernières années. Dans la mesure où ce qui leur est demandé n'est pas moins que de présenter les derniers écrits appartenant au cadre des pensées de La Volonté de puissance, pour la première fois sans une rédaction arbitraire, précisément tels qu'ils se trouvent dans les cahiers manuscrits, particulièrement difficiles à lire et qu'il faut à nouveau déchiffrer14. »

Hans Joachim Mette avait déjà exprimé les mêmes sentiments, en 1932, dans son avant-propos à la nouvelle édition. Faisant le bilan de l'activité éditoriale du Nietzsche-Archiv, il écrivait : « Le résultat […] du point de vue scientifique est tout à fait insatisfaisant […] l'idée de détruire la forme, essentielle pour la pensée de Nietzsche, d'une rédaction inarticulée, aphoristique, dans les différents cahiers et d'ordonner les différentes propositions selon des critères systématiques, est pour le moins malheureuse, quand bien même peut-on, dans certains cas, la justifier : la décision de la Fondation Nietzsche-Archiv de restituer, dans l'édition critique des œuvres complètes, leur forme originelle à ces carnets posthumes est une œuvre libératrice15. »

Mais Elisabeth Förster-Nietzsche était encore en vie ; elle fit en effet atténuer, de manière très significative, les déclarations de Mette dans la version définitive de l'avant-propos (1933)16, de manière à ce que disparaisse complètement la critique prudente des précédentes ordonnances systématiques et qu'il ne soit pas fait allusion à une « action libératrice », mais seulement à une « publication, la moins abrégée possible, dans l'ordre original de succession ». Malgré cela, un an plus tard – Elisabeth Förster-Nietzsche vivait encore –, Walter Otto évoqua, comme nous l'avons vu, la nécessité d'éliminer «pour la première fois » toute rédaction arbitraire des « écrits appartenant au cadre des pensées de La Volonté de puissance » ! Le nœud du problème, pour qui voulait comprendre, était finalement et sans équivoque possible porté au grand jour.

 

 

5.

 

Au début des années soixante, tout le débat autour de l'édition Schlechta, qui avait eu le mérite de démonter (au moins en apparence) la compilation de La Volonté de puissance, et surtout d'avoir reposé (sans pour autant le résoudre) le problème de la publication des posthumes de Nietzsche, parut d'autant plus singulier aux “obscurs spectateurs” que nous étions. Par exemple, nous n'étions pas convaincus par le fait qu'un concept aussi solennel que la « loi non écrite », selon laquelle aucune édition des œuvres de Nietzsche ne pouvait être entreprise si ce n'est par l'un de ses adorateurs (comme l'avait écrit R. Pannwitz17), constituait une grave objection et – moins encore – une meilleure solution par rapport à l'entreprise de Schlechta. Nous nous trouvions devant un problème assez simple : « À partir de quel texte devions-nous traduire ? ». D'autre part, dans notre perspective, l'édition Schlechta était inutilisable. En fait, les deux premiers volumes reproduisaient fidèlement les premières éditions des œuvres de Nietzsche, et le troisième, sous le titre Aus dem Nachlass der achtziger Jahre (« Des papiers posthumes des années quatre-vingt »), proposait exactement le même matériau, publié dès 1906-1911 dans l'édition de la seconde (et canonique) Volonté de puissance, bien qu'ordonné chronologiquement. À Florence, nous aurions pu sans difficulté compléter quelques omissions incompréhensibles de Schlechta, que – chose étrange – aucun de ses détracteurs (Löwith, von den Steinnen, Pannwitz, etc.) ne lui avaient reprochées. Nous aurions pu résoudre le problème de certaines mutilations grossières et du découpage des fragments ; nous aurions pu également consulter la première Volonté de puissance (1901) en un volume, et donc récupérer ces fragments importants qui, étrangement, avaient disparus de la seconde, définitive et certes plus ample, Volonté de puissance de 1906-1911 ; enfin (en accord avec l'exigence, avancée par Schlechta, d'une restauration des manuscrits) sur la base des index des manuscrits présents dans les volumes XIII et XIV de la Großoktavausgabe, nous aurions pu compléter les manuscrits utilisés pour La Volonté de puissance (donc également ceux reportés dans les volumes XV et XVI). De cette manière nous aurions pu rétablir un recueil de fragments posthumes des années quatre-vingt plus large, ordonné chronologiquement et selon les manuscrits.

Toutefois de nouvelles difficultés et objections surgissaient : 1) pour une bonne moitié des posthumes (depuis l'époque de La Naissance de la Tragédie jusqu'à Ainsi parlait Zarathoustra, soit approximativement, de 1869 à 1885), nous n'avions pas d'autre solution – à Florence – que celle de traduire les textes tels qu'ils étaient, ordonnés systématiquement et non chronologiquement selon les manuscrits, dans les volumes IX-XII de la Großoktavausgabe, dans la mesure où nous ne disposions, les concernant, d'aucune référence aux pages des manuscrits ; 2) les volumes ix-xII de la Großoktavausgabe étaient disponibles dans deux versions différentes : celle éditée par Fritz Koegel (1896-1897) avait été remplacée par une édition de Peter Gast, August & Ernst Horneffer et Ernst Holzer, datant des années 1901-1903, mais de très nombreux et importants passages présents dans la première ne se trouvaient plus dans la seconde et réciproquement ; 3) nous nous arrachions les cheveux, quand dans la « petite » biographie de Nietzsche par Elisabeth Förster-Nietzsche (1912-1914) par rapport aux passages décisifs cités dans le textes, il nous arrivait fréquemment de lire ces annotations de Richard Oehler : « Apparemment (sic !) non publié dans les œuvres » ou : « Cité à partir du manuscrit ; non repris dans les posthumes » ou encore : « Apparemment non publié dans les posthumes ». Ne devions-nous pas également traduire ces textes ? La même question revenait encore à la lecture de ladite « grande biographie » précédente de la sœur18, dans laquelle nous pouvions lire (même sans le « docte » avertissement des notes) de très nombreux textes absents ailleurs. Ou même devant la Taschenausgabe qui rapporte également des textes absents de la Großoktavausgabe ; 4) pour un grand nombre de fragments, qui se trouvaient sur des feuilles séparées, puis rassemblées dans des classeurs, il n'était pas possible, même en se basant sur les tables des volumes XIII-XVI de la Großoktavausgabe, de rétablir une chronologie ; 5) même si nous avions eu les indications de page des manuscrits dans lesquels se trouvaient les fragments, quel était l'ordre de succession selon lequel nous aurions dû traduire les fragments présents sur une même page ? ; 6) d'autre part la succession des pages écrites par Nietzsche dans les mêmes cahiers n'était pas plus fiable, dans la mesure où Mette, dans sa description, disait que Nietzsche avait l'habitude de remplir ces cahiers en sens inverse, de sorte que la numérotation aurait dû être inversée pour rétablir l'ordre chronologique ; 7) qu'est-ce qui sommeillait encore depuis plus de soixante-dix années et que nous – à Florence – n'aurions jamais pu connaître ?

Nous ne disposions d'un texte fiable que pour les écrits de jeunesse et à caractère philologique qui se trouvaient dans l'édition inachevée historico-critique des œuvres (Voll. I-V, 1933-1940) et donc pour les écrits allant de 1854 jusqu'à l'été 1869 (au tout début de la période de Bâle). Seule une petite partie de ces écrits aurait pu être utilisée pour une traduction italienne, ce que l'on peut comprendre aisément. Toute la masse des posthumes philosophiques, depuis les travaux préparatoires pour La Naissance de la Tragédie, jusqu'à la dernière période turinoise, n'avait pas encore été rendue accessible d'un point de vue scientifique. Pour vingt années de production intellectuelle nietzschéenne, c'est-à-dire depuis l'été 1869 jusqu'au 2 janvier 1889, les textes posthumes étaient pour nous disponibles sous une forme extrêmement insatisfaisante et incomplète.

Que faire ? Nous décidâmes de vérifier sur place l'état des manuscrits de Nietzsche.

Aux premiers jours d'avril 1961, je me rendis à Weimar19. Je trouvai là les manuscrits de Nietzsche soigneusement conservés aux Archives Goethe-Schiller ; en deux semaines, je pus – grâce à l'intérêt amical de Helmut Holtzhauer, directeur des Nationale Forschungs- und Gedenkstätten der klassichen deutschen Literatur20, dont dépendaient les Archives Goethe-Schiller, et de Karl Heinz Hein, directeur des Archives – commencer un premier inventaire au terme duquel la nécessité d'une nouvelle édition complète des textes posthumes de Nietzsche devint évidente. Giorgio Colli en tira la seule conséquence logique : dès lors que personne n'y avait pensé, nous aurions fait nous-mêmes ce travail ou, mieux encore – puisque notre entreprise première était conditionnée par cette nouvelle nécessité –, nous aurions préparé une édition critique des œuvres complètes de Nietzsche. Cette décision bouleversa le projet initial. Notre éditeur, Einaudi, ne semblait plus intéressé par une entreprise aussi vaste. Heureusement, nous pûmes gagner à notre cause un vieil ami qui, à cette époque, venait de fonder lui-même une petite maison d'édition : Luciano Foà, directeur des éditions Adelphi à Milan. Mais il nous fallait trouver un éditeur allemand : ce qui ne fut pas possible dans un premier temps. Pas un des éditeurs auxquels nous présentions notre projet ne semblait avoir confiance en une entreprise aussi téméraire. Foà parvint toutefois, au moment décisif, à convaincre la grande maison d'édition parisienne Gallimard. Ainsi, au mois de septembre 1962, notre travail était assuré également sur le plan financier : nous pouvions désormais attendre patiemment un éditeur allemand. Les premiers volumes italiens, sur la base d'un nouvel original allemand philologiquement fiable, furent publiés dès 196421. La même année, à l'occasion d'un Colloque international sur Nietzsche qui se tenait à Paris, Giorgio Colli et moi-même fîmes la connaissance de Karl Löwith22. Ce fut lui qui, en février 1965, attira l'attention de Heinz Wenzel, directeur de la section humaniste de la maison d'édition Walter de Gruyter à Berlin, sur le travail que nous accomplissions à Weimar, lorsque celui-ci, ayant l'intention de préparer une édition des œuvres de Nietzsche pour sa maison d'édition, lui demanda conseil. La maison d'édition allemande Walter de Gruyter acquit peu après les droits de publication en langue originale de la nouvelle édition critique des œuvres complètes du philosophe allemand Friedrich Nietzsche auprès des éditeurs français Gallimard et italien Adelphi. L'édition allemande commença de paraître à l'automne 1967. Elle comprendra 33 volumes en huit sections23. Le résultat le plus important de ces douze années est que les fragments posthumes de Nietzsche depuis 1869 à 1889 (et donc depuis les travaux préparatoires pour La Naissance de la tragédie jusqu'à l'écroulement physique et psychique de janvier 1889) sont désormais complètement disponibles, soit près de 5000 pages par rapport aux 3500 pages de l'édition jusqu'alors la plus ample : la Großoktavausgabe. Mais il faudra certes encore beaucoup de temps avant que ceux qui étudient l'œuvre de Nietzsche prennent conscience du fait qu'ils continuent de citer de manière erronée les posthumes de Nietzsche des années 80, quand bien même les citent-ils à partir de l'édition Schlechta, pour paraître plus à jour24.

 

6.

 

L'accomplissement de la publication des œuvres de Nietzsche occupera encore plusieurs années de ma vie25. Je ne sais si je pourrais en venir à bout. Il est pourtant une chose dont je suis sûr : sans la rencontre avec mon incomparable ami et maître Giorgio Colli, hélas trop prématurément disparu le 6 janvier 1979, je n'aurais jamais entrepris un tel travail. Sans Giorgio Colli, la nouvelle édition critique des œuvres de Nietzsche n'existerait pas.

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