éditions de l'éclat, philosophie

DIEGO MARCONI
LA PHILOSOPHIE DU LANGAGE AU VINGTIÈME SIÈCLE

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24. L'analyse
du langage ordinaire.

 

 

Bien que J. L. Austin (1911-1960) soit aujourd'hui surtout célèbre pour sa théorie des actes de langages (et pour celle des performatifs dont elle découle), le centre de son travail philosophique est plutôt représenté par ce que l'on a appelé «l'analyse du langage ordinaire» (voir Leonardi, 1992: 136-139 et plus amplement Graham, 1977: 8-52) qu'il aurait préféré quant à lui nommer «phénoménologie linguistique» (Austin, 1956-1957: 144). Austin pensait que toute enquête philosophique devait commencer par un inventaire le plus complet possible du matériau linguistique pertinent pour le problème choisi: il s'agissait de rassembler tous les mots, et les constructions linguistiques, que l'utilisation ordinaire associe au problème, puis de vérifier avec la plus grande précision, dans quelles circonstances et avec quelles intentions nous utiliserions chacune des expressions inventoriées («ce que nous dirions quand», Austin, 1956-1957: 143), sans perdre de vue les subtiles distinctions internes au lexique, comme celle entre faire quelque chose «par inadvertance», «involontairement», «impulsivement», «inconsciemment», «accidentellement», «par erreur», etc. Dessiner la carte d'un territoire conceptuel en reparcourant les distinctions tracées par le langage ordinaire est, pour Austin, quasiment tout le travail du philosophe: en effet, «notre réserve commune de mots contient toutes les distinctions que les humains ont jugé utile de faire, et toutes les relations qu'ils ont jugé utile de marquer au fil des générations – puisqu'elles ont résisté au long test de la survie du plus apte, elles sont probablement plus nombreuses et plus valables et plus subtiles [...] que celles que nous pourrions, vous et moi, trouver, installés dans un fauteuil par une belle après-midi – alternative méthodologique la plus largement appréciée» (Austin, 1956-1957: 144). Quasiment tout, parce que le langage ordinaire (a) est organisé du point de vue d'intérêts pratiques plus que théorétiques, (b) parce qu'il est fondamentalement pré-scientifique, (c)parce qu'il intègre quelquefois «toutes sortes de superstitions, d'erreurs et de fantasmes» (Ibidem : 148). Par conséquent, il n'est pas le dernier mot en philosophie, mais – rappelle Austin – il est le premier.

En réalité, vérifier les circonstances d'utilisation d'une expression linguistique est une opération qui donne lieu à des controverses. Devons-nous dire (par exemple) que le mot ‘sorcière' désignait des femmes qui avaient fait un pacte avec le diable, ou des femmes dont on pensait qu'elles avaient fait un pacte avec le diable, ou encore qui avaient tel ou tel comportement, ou encore autre chose? Même si le langage ordinaire est comme un philosophe qui a eu beaucoup de temps à sa disposition, il n'est pas dit qu'il soit facile d'en établir la doctrine. Austin était conscient du fait que l'analyse du langage ordinaire pouvait avoir des issues divergentes, mais il invitait à ne pas dramatiser les choses: «Si nos utilisations ne s'accordent pas [...] nous pouvons trouver pourquoi nous ne nous accordons pas: c'est parce que vous choisissez de classifier d'une certaine manière, et moi d'une autre». Différentes déterminations des circonstances d'utilisation correspondent à des schémas conceptuels différents (1956-1957: 146): vérifier et localiser les divergences est, quoi qu'il en soit, «très éclairant». Comme le «second» Wittgenstein, Austin ne pensait pas que l'utilisation ordinaire était absolument souveraine (elle était le premier mot et non pas le dernier), ni que sa détermination était univoque. Il pensait, toutefois, que la réflexion sur l'utilisation des mots – le déplacement du niveau de l'enquête philosophique des «choses elles-mêmes», ou des concepts et des essences, aux mots – avait de nombreux avantages, à commencer pas l'identification et la précision des points de divergence entre des visions du monde. L'analyse du langage ordinaire, de ce point de vue, partage nombre de motivations du «passage au mode formel» de Carnap et de la «montée sémantique» de Quine.



25. Performatifs et actes de langage.

Comme nous l'avons déjà fait remarqué (§ 2), dans l'essai Les autres esprits (1946), Austin réfléchit sur des questions que l'on range aujourd'hui sous le titre général d'«autorité de la première personne»: puis-je me tromper quand j'affirme des énoncés (à la première personne) comme ‘J'ai mal', ou ‘Je vois quelque chose de rouge'? Dans le cours de ses réflexions, Austin fut amené à souligner le caractère non descriptif d'énoncés tels que ‘Je le sais': quand je dis ‘Je le sais' je ne suis pas en train de décrire mon état intérieur comme un état de connaissance exceptionnelle (supérieure même à l'extrême sécurité); je donne aux autres ma parole, c'est-à-dire que je leur donne mon autorité pour affirmer ce que je dis savoir (Austin, 1946: 71 sq.). De la même manière, quand je dis ‘Je le promets', je ne décris pas mon action, mais je suis en train de l'accomplir. Ces «phrases rituelles» – qui présupposent l'existence d'un rite, c'est-à-dire d'une pratique socialement reconnue et au moins en partie codifiée – ne peuvent à la rigueur être fausses, même s'il peut se trouver que les circonstances ne sont pas telles qu'elles puissent consentir à l'accomplissement du rite: je ne peux pas offrir X (en disant ‘Je t'offre X') si X n'est pas à moi, de même que je ne peux pas ordonner quelque chose à quelqu'un, si je ne suis pas dans une position d'autorité par rapport à lui.

Dans les leçons d'Oxford des années 1952-1954, puis dans les William James Lectures de 1955 (sur les notes desquelles est fondé le livre Quand dire c'est faire, 1962), Austin donna une formulation accomplie et indépendante de ces idées, en introduisant quelques modifications terminologiques. Il appela performatifs (c'est-à-dire «exécutifs») ces énoncés qui ne décrivent ni ne constatent rien (et donc ne sont ni vrais ni faux), mais dont l'émission implique ou s'identifie à l'exécution d'une action. En disant: «Je parie cent francs qu'il pleuvra demain», on n'affirme rien, mais l'on fait quelque chose (dans ce cas, un pari): on accomplit bel et bien une action, qui modifie la réalité (en particulier le rapport entre les personnes). Pour que cela advienne, toutefois, il faut que soient rassemblées certaines conditions (dites conditions de félicité du performatif): il faut qu'il y ait une procédure socialement acceptée (comme l'«institution» du pari) dont l'émission de l'énoncé fait partie, qui se déroule correctement et complètement, et que l'énoncé soit émis dans les circonstances et par les personnes appropriées.

Si ces conditions ne sont pas satisfaites, l'acte est nul. En outre, si celui qui émet l'énoncé n'a pas la bonne attitude (par exemple, promet mais ne compte pas maintenir sa promesse) ou ne se comporte pas de manière cohérente avec ses dires par la suite, le performatif est sans doute réussi – une promesse non sincère ou non maintenue reste une promesse – mais, dit Austin, il est abusé. Les énoncés descriptifs normaux, qui sont vrais ou faux (comme «les concombres sont des cucurbitacées») sont au contraire des constatifs.

Austin essaya de caractériser les performatifs, sur la base de la forme syntaxique, du matériau lexical, etc. sans obtenir de résultat absolument satisfaisant: les performatifs sont souvent à la première personne du singulier du présent de l'indicatif actif («Je promets que je viendrai jeudi», «Je déclare ouverte la huitième foire de Villeurbanne»), mais pas toujours («Interdit de cracher par terre», «Les voyageurs avec une grande valise sont priés d'emprunter les passerelles métallisées»); certains verbes (verbes performatifs) ont fréquemment une utilisation performative, mais également des utilisations non performatives («Souvent je promets sans être en mesure de tenir mes promesses»). Ces difficultés l'incitèrent à abandonner la théorie des performatifs pour un point de vue plus général, selon lequel chaque énonciation a un aspect performatif, ou, comme il le dit, illocutoire. Telle est la théorie des actes de langage (sur la transition de la théorie des performatifs à la théorie des actes de langage, voir Récanati, 1981: 81-87). Un acte de langage est une action d'utilisation du langage de la part d'un locuteur (scripteur, etc.): Austin considère l'acte de langage comme «le seul phénomène réel » du langage (1962), et donc le seul objet propre d'une théorie du langage. En accomplissant un acte de langage (par exemple en disant: «Je te jure que je viendrai demain»), on accomplit simultanément trois actes distincts: un acte locutoire (locutionary) (l'acte de dire ces mots déterminés), un acte illocutoire (illocutionary) (l'acte que l'on accomplit en disant cette phrase: dans notre cas, la prise d'engagement), et un acte perlocutoire (perlocutionary), c'est-à-dire une action sur l'interlocuteur, qui a sur lui des effets déterminés (par exemple celui de l'épouvanter, de le réjouir, ou de le mettre dans l'embarras). À son tour, l'acte locutoire ou locution a trois aspects: phonétique (la production d'une séquence de sons), phatique (la production de mots et de phrases en tant qu'elles appartiennent à une langue déterminée, elle-même déterminée par un lexique et une grammaire) et rhétique (l'emploi de ces mots ou phrases avec un sens déterminé et une référence déterminée).

Austin prétendait (a) traiter les assertions, objet quasi exclusif de l'analyse du paradigme dominant, exactement comme une classe d'actes de langage à côté des autres (ordres, promesses, excuses, etc.); (b) reformuler la doctrine du sens et de la référence – c'est-à-dire la théorie sémantique dominante – «dans les termes de la distinction entre actes locutoires et illocutoires». De cette manière il proposait la théorie des actes de langage comme théorie générale du langage, dont la sémantique dominante, opportunément réélaborée, aurait constitué un chapitre. De fait, Austin n'accomplit que partiellement le point (b) de son programme. Il fit là aussi des remarques intéressantes, comme par exemple interpréter les assertions dont la présupposition est fausse («Toutes ses vaches sont noires et blanches» à propos de quelqu'un qui n'a pas de vache) comme insatisfaites, c'est-à-dire en reportant un phénomène sémantique «classique» à sa théorie des forces illocutoires. Mais en général le niveau sémantique ne fut pas atteint par l'analyse d'Austin, et sa théorie fut toujours plus souvent conçue comme une intégration de la théorie sémantique que comme une généralisation destinée à l'absorber. Surtout à partir des années soixante-dix, cette intégration est considérée comme faisant partie de la pragmatique. Plus précisément, la pragmatique – que Morris avait considéré comme une des trois parties de la sémiotique, et caractérisé comme «science de la relation des signes avec leurs interprètes» (1938: 6, 30) – est toujours plus souvent interprétée comme comprenant la théorie des actes de langage. La pragmatique, en effet, est l'étude de la dépendance de ce qui est dit du contexte dans lequel il est dit; et l'étude des conditions de réussite des actes de langage montre qu'une telle réussite dépend d'éléments contextuels (intentions du locuteur, expectatives de l'interlocuteur, position réciproque du locuteur et de l'interlocuteur, etc.) (Stalnaker, 1972: 383-384).

Austin avait distingué cinq classes d'actes de langage consistant dans le fait de proférer un énoncé, sur la base de la force illocutoire de l'énoncé proféré: verdictifs, comme les jugements; exercitifs, comme les jugements qui portent sur ce qui devrait être fait; commissifs (les promesses par exemple); comportatifs, comme les excuses; expositifs, comme les démonstrations. Les assertions sont un type d'expositifs: elles s'avèrent être un sous-groupe de sous-groupe d'acte de langage. Une classification partiellement différente fut proposée ensuite par le philosophe américain J. R. Searle (né en 1932): celui-ci distingua (Searle, 1975b) des actes représentatifs, comme les assertions, directifs, comme les ordres, commissifs, comme les promesses, expressifs, comme les excuses, déclaratifs, comme les nominations ou les candidatures. Searle, qui fut un élève d'Austin à Oxford, apporta à la théorie des actes de langage un esprit systématique qu'Austin n'avait pas eu. Dans son premier livre (Les Actes de langage, 1969), il soumit à une certaine révision la théorie d'Austin des conditions de félicité des actes illocutoires, en analysant en détail (à titre d'exemple) l'acte de la promesse, dont il identifia neuf conditions de réussite. On doit également à Searle l'introduction de la notion d'acte de langage indirect (Searle, 1975a; voir aussi Récanati, 1981: 141-199): le fait de demander de passer le sel, par exemple, peut être exprimé sous une forme d'une question: «Peux-tu me passer le sel?» Les illocutions indirectes sont analysées par Searle à travers la théorie de la conversation de Grice (§ 26). Plus nettement qu'Austin, Searle refusa la distinction entre sémantique et pragmatique, en considérant que signifier et dire quelque chose qui est doté d'une signification, sont des aspects de l'illocution, et rentrent de fait dans le champ de la théorie des actes de langage. Mais il ne parvint pas non plus à supplanter la théorie sémantique dominante: ses analyses de la référence et de la signification (Searle, 1969: 64-66, 83-90) sont des analyses de ce qu'est, respectivement, se référer à X et signifier quelque chose à travers Y, mais n'entrent pas dans la substance du contenu sémantique exprimé, et ne répondent pas aux questions auxquelles une théorie sémantique doit répondre.



26. Grice: signification et intention.

Dans la théorie des actes de langage de Searle, le concept d'intention tient une place centrale: la description d'un acte de langage fait une référence essentielle aux intentions de celui qui parle. En cela, Searle adhère à l'orientation d'un autre de ses professeurs à Oxford, H. P. Grice (1913-1988). Dans une série d'articles des années cinquante et soixante (Grice, 1957, 1968, 1969), celui-ci avait proposé une réduction de la notion de signification à celle d'intention (et de fait une réduction de la sémantique à la psychologie, quand bien même était-ce à travers un concept relativement obscur comme celui d'«intention»). «Le locuteur A signifie quelque chose à travers l'expression X» est analysé comme «A a l'intention que l'émission X produise un certain effet chez l'interlocuteur, sur la base de la reconnaissance de cette intention». Ayant ainsi défini la signification qu'un locuteur entend véhiculer en une occasion donnée, Grice reconduit à cette utilisation les autres utilisations de ‘signification non naturelle', ou ‘significationnn' et de ‘signifiernn' (une «signification non naturelle» c'est typiquement celle linguistique; «signification naturelle», c'est au contraire, celle à laquelle on se réfère quand on dit par exemple: «Ces taches rouges signifient la rougeole»): «X signifie quelque chose (dans une occasion déterminée)», «X signifie (dans une occasion déterminée) que ...», «X signifie (intemporellement) quelque chose», etc. Au schéma analytique fondamental de Grice on a opposé différents contre-exemples, qui n'ont fait que le rendre plus compliqué (voir Leonardi, 1992: 162-166), au point qu'on a pu même désespérer de sa possibilité de réussite.

La notion des intentions du locuteur fait également partie de manière essentielle de l'autre proposition théorique importante de Grice, à savoir la théorie de la conversation (voir Leonardi, 1992: 166-170; Levinson, 1983: chap. III), formulée dans les William James Lectures de 1967, puis publiée, tout d'abord partiellement sous le titre Logique et conversation (Grice, 1975) et enfin dans sa totalité dans Grice, 1989. La théorie de la conversation veut rendre compte des multiples aspects de la «signification globale» d'un énoncé qui ne sont pas saisis par une analyse sémantique en termes de conditions de vérité. Selon Grice, pour rendre compte de ces excédents communicatifs, il n'est ni nécessaire ni utile de multiplier les sens des expressions linguistiques en fonction du contexte dans lequel elles sont utilisées; il s'agit, au contraire, de déduire de tels excédents d'une caractérisation systématique de l'interaction entre la signification conventionnelle d'une expression linguistique et le contexte de la conversation. Pour Grice, la conversation est une entreprise rationnelle coopérative, soutenue par un principe (principe de coopération) qui impose d'apporter sa propre contribution à une conversation qui soit fonctionnelle en vue de son bon déroulement. Le principe se définit par quatre groupes de maximes: maximes de la quantité (par exemple: ne sois pas réticent), de la qualité (par exemple: ne dis pas ce que tu crois être faux), de la relation (sois pertinent), du mode (par exemple: évite l'ambiguïté). Bien évidemment ces maximes peuvent être violées; mais si elles le sont d'une manière voyante ou délibérée, sans que par ailleurs, le locuteur donne l'impression de vouloir «sortir de la coopération» celui qui écoute essaiera de réconcilier le comportement du locuteur avec l'hypothèse qu'il est en train de coopérer, et imaginera qu'il aura voulu communiquer quelque chose d'autre, au-delà de ce que ses mots signifient littéralement et à travers eux. Par exemple, si dans une lettre de recommandation pour un doctorat de recherche on se contente d'affirmer que «le candidat sait utiliser correctement le français et a suivi assidûment les cours», on viole de manière très évidente une maxime (de la quantité: «Ne sois pas réticent»). Il est facile d'imaginer que celui qui écrit a pensé exploiter la maxime pour communiquer le fait qu'il n'avait rien de très élogieux à dire sur le candidat. Cette partie implicite de la communication est nommée par Grice implicature. Il s'agit ici d'une implicature conversationnelle, c'est-à-dire dépendante de l'interaction entre la signification conventionnelle des mots employés et la structure de la conversation; et d'une implicature particularisée, c'est-à-dire dépendante du contexte spécifique que nous avons imaginé. Il y a aussi des implicatures (conversationnelles) généralisées, qu'une expression fait surgir dans n'importe quel contexte normal dans lequel elle est utilisée. Par exemple, normalement en disant: ‘Ou p, ou q', on montre que l'on ne sait pas lequel des deux (de p et q) est vrai: on viole une maxime de la quantité («Que ta contribution soit aussi informative que l'exigent les circonstances») sans quoi on serait contraint de violer une maxime de la qualité («Ne dis rien dont tu n'aies pas la preuve formelle» Grice, 1989: 46). Selon Grice, un interlocuteur (tout comme l'analyste du langage) doit être en mesure de déduire une implicature conversationnelle de la signification conventionnelle de ce qui a été dit, plus la considération du contexte, plus les règles de la conversation, plus l'hypothèse que celui qui parle a l'intention de se conformer au principe de coopération ou ait eu tout de même l'intention de violer délibérément une maxime. Dans ce sens, Grice dit que les implicatures conversationnelles sont calculables. Toutefois, le calcul d'une implicature n'est pas un processus déductif: il s'agit plutôt d'une «abduction» ou «inférence à la meilleure explication» du comportement de celui qui parle.

À côté des implicatures conversationnelles, Grice place les implicatures conventionnelles, qui font partie de la signification conventionnelle de ce qui est dit: par exemple, l'opposition entre p et q est une implicature conventionnelle des énoncés de la forme ‘p mais q' (et c'est ce qui distingue le mot mais du mot et). La notion d'implicature conventionnelle repropose la distinction de Frege (§ 5) entre sens et tonalité : tout comme la tonalité, l'implicature conventionnelle est cet aspect de la signification d'une expression qui ne fait pas de différence pour les conditions de vérité des énoncés dans lesquels elle apparaît, et fait pourtant partie de ce que l'expression communique dans n'importe quel contexte (pas seulement dans n'importe quel contexte normal, comme l'implicature conventionnelle généralisée). Du point de vue de la théorie de Grice, l'introduction des implicatures conventionnelles représente la reconnaissance honnête de l'impossibilité de réduire la totalité de la signification linguistique au binôme conditions de vérité/règles de la conversation.



27. Quine: la critique
de la notion
de signification.

Formé au contact étroit des néo-positivistes (et de Carnap en particulier), le philosophe américain W. V. O. Quine (né en 1908) devint l'un des principaux fossoyeurs de ce mouvement philosophique, dont il critiqua certaines thèses centrales: le conventionnalisme, le réductionnisme, la séparation nette entre enquêtes conceptuelles (du ressort de la philosophie) et enquêtes factuelles (de celui des sciences naturelles). Malgré cela, Quine resta toujours fidèle non seulement aux instances de clarté et de rigueur argumentative caractéristiques du néo-positivisme, mais à l'idée que les sciences de la nature, la mathématique et la logique étaient le «noyau dur» de la connaissance humaine, et constituaient un modèle linguistique et non plus seulement épistémologique. En ce sens, on peut considérer sa critique comme «interne», sinon au positivisme comme doctrine, du moins à nombre de ses motifs d'inspiration. La pensée de Quine a été un des facteurs qui ont déterminé l'évolution du courant principal de la philosophie anglo-saxonne depuis le néo-positivisme jusqu'à l'ample et variée koiné, désignée sous le nom de ‘philosophie analytique'.

Comme on l'a déjà rappelé (§ 14), au début des années quarante, Quine intervint dans la discussion sur la théorie sémantique en montrant que la notion intuitive de signification n'est pas réductible à celle de référence (le terme de Quine est ‘désignation'); par conséquent, une théorie de la référence comme la «sémantique» tarskienne n'est pas en mesure de saisir complètement nos intuitions sur la signification. On a vu comment ces considérations de Quine, en même temps que celles, presque contemporaines, de Church, ont suscité une reprise d'intérêt pour des notions sémantiques non extensionnelles comme la notion frégéenne de sens ; un intérêt qui culmine dans l'œuvre de Carnap, Signification et nécessité (1947). Quine, de son côté, prit un chemin différent. Au lieu de chercher une explication scientifiquement acceptable de la notion intuitive de signification, il fit voir, dans l'essai Deux dogmes de l'empirisme (1951) et dans d'autres écrits, qu'aucun concept de ce genre ne pouvait être défini; ou en tout cas qu'aucun des candidats en liste n'était acceptable. Quine raisonne ainsi: la théorie de la signification, plutôt que de s'occuper d'êtres mystérieux nommés «significations», doit rendre compte de la relation de synonymie (identité de signification) entre des expressions linguistiques, et de la propriété, dite analyticité (une assertion est analytique si elle est vraie en vertu de la signification des mots qui la constituent, et non en vertu de l'état des choses dans le monde). En commençant par cette dernière notion, nous observons qu'il y a deux types d'énoncés analytiques: les premiers sont ceux que le système de Carnap est en mesure de traiter (voir § 14), à savoir les vérités logiques, comme:

(21) Aucun homme non marié n'est marié,

qui restent vraies pour n'importe quelle substitution des mots non logiques apparaissant dans l'énoncé («Aucun philosophe non paralytique n'est paralytique» n'est pas moins vrai que (21)). Mais il existe d'autres énoncés qui sont communément déclarés analytiques: par exemple ceux du type:

(22) Aucun célibataire n'est marié.

Ces énoncés se réduisent à des vérités logiques en remplaçant certains mots par leurs synonymes (dans le cas de (22), en remplaçant ‘célibataire' par ‘homme non marié'). En admettant que la notion de vérité logique soit suffisamment claire – Quine pensait l'avoir éclaircie in (1936) –, nous pourrions dire que nous avons rendu scientifiquement respectable la notion générale d'analyticité si nous parvenons à rendre claire la notion de synonymie. On peut penser le faire avec le concept de définition : on pourrait dire que ‘célibataire' est défini comme ‘homme non marié'. Mais qu'est-ce qu'une définition? Il existe des définitions de dictionnaire, qui se contentent toutefois d'enregistrer certaines uniformités d'utilisation, et en réalité présupposent le concept de synonymie (le lexicographe définit ‘célibataire' par ‘homme non marié' parce qu'il pense que les deux expressions sont synonymes). Il y a ensuite les explications, qui ont pour but de substituer une expression vague du langage naturel (par exemple ‘probable') par une expression scientifique précise et correspondant à la première au moins dans certains contextes d'utilisation significatifs: elles aussi présupposent la notion de synonymie, parce que l'explicans (l'expression précise) est proposé comme remplaçant l'explicandum (l'expression vague que l'on veut remplacer) en tant qu'il est (dans certains contextes) son synonyme. Il y a enfin les stipulations, qui introduisent dans un langage scientifique un terme nouveau sur la base de termes anciens (comme lorsqu'on dit, par exemple: «Appelons ‘ensemble puissance' de l'ensemble A l'ensemble des sous-ensembles de A»). Les stipulations constituent effectivement une synonymie, et ne la présupposent pas; mais elles couvrent un nombre très limité de cas (ce n'est certainement pas par stipulation que ‘célibataire' est synonyme d'‘homme non marié').

La substituabilité est une alternative: deux expressions, pourrait-on dire, sont synonymes si et seulement si elles peuvent se substituer l'une à l'autre dans tous les contextes salva veritate, c'est-à-dire sans altérer la valeur de vérité des énoncés dans lesquels elles apparaissent. Mais cette proposition mérite d'être prise en considération uniquement si l'on précise que la formule «tous les contextes» inclut les contextes non extensionnels. Dans les contextes extensionnels, en effet, deux expressions peuvent se substituer l'une à l'autre sans être (intuitivement) synonymes. Par exemple, les deux prédicats ‘animal doté d'un cœur' et ‘animal doté de reins' peuvent se substituer l'un à l'autre dans les contextes extensionnels (parce que les deux prédicats ont, de fait, la même extension: tous les animaux dotés de cœur sont également doté de reins, et réciproquement), mais ne sont pas intuitivement synonymes. Par contre, la substituabilité fait défaut dans les contextes intensionnels: par exemple

(23) Nécessairement un animal doté de cœur est doté de cœur

est vrai, tandis que

(24) Nécessairement un animal doté de reins est doté de cœur

est faux (parce que c'est un fait contingent et non une nécessité, que les animaux dotés de reins ont un cœur). Nous pouvons donc définir la synonymie comme intersubstituabilité (salva veritate) dans tous les contextes, y compris ceux intensionnels: la référence à ces derniers est essentielle si l'on veut définir une notion de synonymie qui reflète nos intuitions. Toutefois – se demande alors Quine – sur quelle base avons-nous établi que (23) est vrai (ou que (24) ne l'est pas)? Quelles sont les conditions de vérité d'un énoncé commandé par l'adverbe ‘Nécessairement'? Il semble qu'un énoncé de la forme ‘Il est nécessaire que p' soit vrai si et seulement si p est analytique. En disant cela, Quine fait référence à l'analyse des concepts modaux de Carnap (1947; cf. § 14); plus tard, quand Kripke proposera son analyse en termes de mondes possibles (§§ 17, 32), Quine interviendra dans la discussion pour contester la légitimité philosophique de tout l'appareil conceptuel de la théorie (pour une reconstruction de la discussion voir Linsky, 1971: 1-16).

Ainsi tenter d'éclairer la notion d'analyticité, revient à entrer dans un cercle vicieux: l'analyticité est expliquée (dans le cas général) en terme de synonymie, la synonymie est définie en termes d'intersubstituabilité dans un langage intensionnel, mais la décision sur l'intersubstituabilité dans les contextes (intensionnels) de la forme ‘Il est nécessaire que p' dépend de la reconnaissance de l'analyticité de p. L'argumentation de Quine a été critiquée par plusieurs auteurs, mais, dans l'ensemble, elle s'est avérée persuasive, et a jeté un discrédit quasi définitif sur la vénérable distinction entre énoncés analytiques et énoncés synthétiques. Il faut dire que Quine lui-même a précisé (par exemple in 1960: 289) qu'il n'avait pas eu l'intention de contester «nos indéniables intuitions de synonymie et d'analyticité». Quine n'a pas voulu dire qu'il n'y avait aucune différence, quant aux raisons de vérité, entre ‘Aucun célibataire est marié' et ‘Napoléon est mort en 1821'. Il a voulu dire que la notion de signification théorisée, ou implicitement présupposée, tant par les néo-positivistes comme Carnap que par les «analystes du langage» oxfordiens comme Austin (Quine ne s'intéressa d'ailleurs à cette école que très incidemment) est insoutenable. Elle se fonde sur la possibilité d'identifier certaines informations comme pertinentes pour la signification d'un mot (contrairement à d'autres, qui seraient «simplement factuelles»); c'est-à-dire sur la possibilité de faire une distinction systématique entre énoncés analytiques (‘Les chats sont des animaux') et des énoncés synthétiques (‘Tous les chats de mon quartier sont sales'). Nos «indéniables intuitions» de synonymie et d'analyticité ne soutiennent pas, selon Quine, une telle distinction systématique. Elles soutiennent seulement une gradation entre les informations et les énoncés qui les expriment. Toutes les vérités sont telles, tant en vertu du langage que par la force des faits (si ‘Napoléon' désignait Jules César, ‘Napoléon est mort en 1821' serait faux); mais pour certaines, les faits semblent moins importants que pour d'autres. Ou, pour être plus précis, il y a des vérités – comme celles de la logique et de la mathématique – que nous serions extrêmement réticents à abandonner indépendamment de l'état des choses, et d'autres (comme celle portant sur les chats de mon quartier) auxquelles les faits nous feraient facilement renoncer. Quine était parvenu à cette conception il y a déjà de nombreuses années, dans Vérité par convention (1936): en refusant la fondation conventionaliste de la logique, il reconduisait la dichotomie entre vérités a priori (comme celles de la logique) et vérités a posteriori à une «opposition entre des assertions acceptées avec une plus ou moins grande fermeté... Il y a des assertions que nous décidons d'abandonner en dernier recours, si nous sommes vraiment obligés de le faire, dans le cours du rapiéçage de nos sciences à la lumière de nouvelles découvertes; et parmi elles, il y en a que nous n'abandonnerons jamais, tant elles sont fondamentales pour tout notre schéma conceptuel. Parmi ces dernières il faut compter les vérités logiques et mathématiques» (1936: 166).

Tombe ainsi, sous le feu de la critique de Quine, le programme de l'«analyse du langage», dans la mesure où il présupposait une démarcation rigide entre conceptuel et factuel; tombe par conséquent également l'idée d'une nette séparation entre philosophie (consacrée à des analyses conceptuelles) et science (consacrée à des recherches factuelles) – séparation sur laquelle avait grandement insisté Wittgenstein, jusqu'à ses dernières années. Et tombe, surtout, une forme de la distinction entre langage et théorie : à l'intérieur d'un langage (entendu comme ensemble d'énoncés syntaxiques bien constitués) on peut distinguer les énoncés vrais des énoncés faux, mais on ne peut pas distinguer les énoncés constitutifs des significations des mots (‘Les chats sont des animaux') des énoncés, disons, applicatifs des significations des mots (‘Les chats de l'île de Man ont la queue coupée'). On ouvre ainsi la porte, entre autres, à ladite thèse de l'incommensurabilité des théories, qui présuppose l'importance sémantique de toutes les assertions d'une théorie (holisme sémantique). Et nous verrons (§ 30) comment Davidson portera la critique de Quine à ses extrêmes conséquences, en niant une distinction à laquelle Quine était resté attaché: celle entre schéma conceptuel et contenu d'une théorie.



28. Indétermination
de la signification
et de la référence.

On peut penser déterminer la signification d'une expression linguistique en spécifiant les connexions intralinguistiques qui la constituent, c'est-à-dire en inventoriant les énoncés analytiques dans lesquels l'expression apparaît (on peut penser définir ‘chat' en spécifiant que les énoncés suivants sont analytiques: ‘les chats sont des animaux', ‘les chats sont des félins', les chats sont domestiques', etc.). La critique de Quine concernant la distinction analytique/synthétique, si elle est efficace, montre que cette voie n'est pas praticable. On peut, comme alternative, penser déterminer la signification d'une expression à travers ses connexions avec la réalité extra-linguistique, c'est-à-dire – si l'on est empiriste – avec l'expérience. La signification d'un mot comme ‘jaune' est donnée par son lien avec l'expérience de la couleur jaune; la signification d'un énoncé coïncide avec le mode de sa confirmation empirique. Comme on l'a déjà vu (§ 12), ce projet – d'une réduction des significations à l'expérience sensible – faisait partie du programme du premier néo-positivisme: dans Deux dogmes (1951: 115), Quine avait critiqué l'application qu'en avait faite Carnap dans (1928), en montrant que la réduction proposée était (et ne pouvait qu'être) incomplète. Les deux idées de la distinction analytique/synthétique et de la réductibilité des significations à une base purement empirique – les «deux dogmes» de l'empirisme – ont, pour Quine, une racine commune: la thèse selon laquelle la vérité d'un énoncé est déterminée par deux facteurs distincts, l'un linguistique et l'autre factuel et empirique (1951: 116). Ou plutôt, ce qui rapproche les deux dogmes, c'est l'idée que les significations des expressions d'un langage sont spécifiables une par une, à travers ces connexions linguistiques ou extra-linguistiques.

Dans Le mot et la chose (1960), Quine essaye de prendre au sérieux l'idée d'un fondement empirique des significations. Il imagine une situation dans laquelle il faut interpréter un langage – dans l'expérience de pensée de Quine, de le traduire dans sa propre langue – uniquement sur la base du comportement (linguistique et non linguistique) de celui qui le parle, et des données perceptives que l'on suppose également disponibles aux locuteurs et à l'interprète. C'est la situation de la traduction radicale : une traduction entre deux langues qui n'ont pas de canaux culturels de communication, parce qu'elles appartiennent à des cultures que l'on suppose complètement séparées. Il s'agit d'une situation dans laquelle l'assignation de signification aux expressions d'un langage n'a pas d'autre base que les connexions du langage avec l'expérience, telles qu'elles apparaissent accessibles pour un observateur. Dans une telle situation, dit Quine, la traduction serait indéterminée: on pourrait concevoir différents manuels de traduction, incompatibles entre eux et pourtant également compatibles avec toutes les données disponibles, c'est-à-dire avec tous les comportements linguistiques et non linguistiques des locuteurs et avec toutes les données perceptives disponibles au traducteur (pour un exposé synthétique mais complet de l'argumentation de Quine, voir Casalegno, 1997: chap. 9). Par exemple, un manuel de traduction pourrait traduire le mot étranger ‘gavavai' par ‘lapin', un autre par ‘partie non séparée de lapin', et un autre encore par ‘stade temporaire de lapin'; et il n'existe pas de «faits» – données perceptives, comportements linguistiques, geste d'ostension ou autre – susceptibles de décider, entre les différents manuels, lequel est «juste». Parce que les trois traductions sont équivalentes du point de vue de la perception, et correspondent à la même «portion de monde» perceptive: «La seule différence – dit Quine – tient à la manière dont on découpe [le monde], et c'est une chose que ni l'ostension ni le simple conditionnement ne peuvent montrer ». Il peut sembler, dit encore Quine (1960: 92), que l'incertitude de la traduction puisse être éliminée par quelque question supplémentaire au natif, et quelque geste ostensif en plus. Mais réfléchissons sur la manière dont cela pourrait se passer. «Indiquez un lapin, et vous aurez indiqué un état temporaire de lapin, une partie non séparée du lapin, une exemplification de la lapinité, etc. Rien qui ne soit distinct en terme de stimulations ne peut être distingué par l'ostension, à moins que l'ostension soit accompagnée de questions telles que: “Est-ce le même gavavai que celui-là?”, “Y a-t-il ici un ou deux gavavai?”, et cætera» (Ibidem). Mais ces questions ne sont possibles que si nous avons identifié la structure du langage étranger, c'est-à-dire si nous avons compris quels instruments linguistiques ont comme fonctions des fonctions semblables à celles qu'ont dans notre langue les articles, les pronoms, le singulier et le pluriel, la copule, le prédicat d'identité, etc. La structure est idiosyncratique à une langue, et la correspondance entre des structures interagit avec la correspondance entre des unités lexicales (‘gavavai' et ‘lapin'): dans un certain contexte perceptif, ‘gavavai' peut être traduit par ‘partie de lapin' (plutôt que ‘lapin'), en adaptant opportunément la traduction d'aspects structuraux – par exemple en traduisant une certaine expression étrangère par ‘est une partie de' au lieu de ‘est identique à'.

Ce qui intéresse Quine ce n'est pas la traduction, mais la signification: il entend soutenir que la signification et la référence des expressions d'un langage ne peuvent pas être déterminées sur la seule base du comportement linguistique des locuteurs en relation à des données perceptives présumées communes aux locuteurs et à l'interprète. En disant que ‘lapin' se réfère aux lapins – il ne s'agit donc plus ici de traduction – nous laissons toujours ouverte la porte à la question: «En quel sens de ‘lapin'?» (1969: 62). Et indiquer un ou plusieurs lapins ne sert à rien, du fait de l'indétermination de l'ostension. Le problème n'est pas le caractère vague du geste d'ostension (il se peut qu'il ne soit pas clair que nous indiquons l'oreille du lapin ou le lapin tout entier), mais le fait qu'un geste d'ostension ne puisse expliciter la conceptualisation qu'il présuppose: le stimulus perceptif qui est indiqué peut être conceptualisé de différentes manières. La détermination est possible, selon Quine, uniquement à partir d'une «théorie d'arrière-plan»: des attributions de signification et référence aux expressions d'un langage ne sont possibles que dans un autre langage, que l'on suppose interprété et partagé. Ce langage interprété et partagé donne un sens déterminé à la question: «En quel sens de ‘lapin'?»: il fournit un cadre linguistique dans lequel la question peut avoir une réponse. Une attribution déterminée de signification n'est possible que comme traduction en un langage interprété et partagé. Il n'y a pas d'interprétation comme mise en correspondance directe entre langage et monde (comme le pensaient certains néo-positivistes): une attribution de signification est toujours relative à un langage interprété. Une attribution absolue de significations ou de références, dit Quine, est dénuée de sens: «Ce qui a un sens c'est de dire comment une théorie d'objets est interprétable ou réinterprétable dans une autre et point de vouloir dire ce que sont les objets d'une théorie, absolument parlant» (1969: 63). En dernière analyse il n'y a pas d'attributions de significations, il n'y a que des traductions.

 

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