éditions de l'éclat, philosophie

DIEGO MARCONI
LA PHILOSOPHIE DU LANGAGE AU VINGTIÈME SIÈCLE

Table du livre La philosophie du langage au vingtième siècle


 

15. Attitudes propositionnelles.

 

 

L'efficacité de l'appareil critique de Carnap ne s'étend pas à tous les contextes non extensionnels, c'est-à-dire à tous les énoncés dont l'extension n'est pas fonction des extensions des constituants. Il n'est pas en mesure de traiter des contextes d'attitudes propositionnelles comme (18)

(18) P'tit Pierre n'est pas sûr que 68 + 57 = 125

P'tit Pierre, qui a huit ans, a des doutes quant au résultat de cette addition tandis qu'il est absolument sûr, par contre, que 3 + 3 = 6. Et pourtant ‘68 +57 = 125' et ‘3+ 3 = 6', étant des vérités nécessaires, valent dans toutes les descriptions d'état et ont la même intension. Par conséquent, (18) et (19)

(19) P'tit Pierre n'est pas sûr que 3 + 3 = 6

devraient avoir non seulement la même extension, mais également la même intension. Au contraire, ils n'ont même pas la même extension (c'est-à-dire la même valeur de vérité), parce que le premier est vrai tandis que le second est faux. Les contextes d'attitude propositionnelle ne sont pas compositionnels, pas même par rapport à l'intension.
Pour résoudre cette difficulté, Carnap introduit un nouveau concept, à savoir celui de structure intensionnelle (Carnap, 1947: §§ 14-15); et il essaie de soutenir que des énoncés tels que (18), bien que n'étant pas compositionnels par rapport à l'intension, le sont par rapport à la structure intensionnelle. Il s'avère en effet que ‘68 + 57 = 125' et ‘3 +3 = 6', tout en ayant la même intension, n'ont pas la même structure intensionnelle (et c'est pourquoi (18) et (19) ne sont pas sémantiquement équivalents). La proposition de Carnap, tout en ayant été reprise également par la suite (par exemple par D. Lewis, 1970), s'est avérée très vite inadéquate: des exemples d'énoncés qui ne sont pas compositionnels, pas même par rapport à la structure intensionnelle, ont été avancés (voir par exemple Bonomi, 1983: 134 sq.), et d'autre part, l'identité de structure intensionnelle (que Carnap appelle isomorphisme intensionnel) est probablement une condition trop restrictive pour rassembler nos intuitions sur la relation d'équivalence sémantique, ou synonymie, entre énoncés. En réalité, le paradigme dominant n'est pas parvenu, pas même par la suite, à venir à bout du problème de la compositionnalité des énoncés d'attitude propositionnelle. Comme nous le verrons (§ 33), il semble qu'ils mettent en évidence une difficulté de fond du paradigme, qui ne se résout pas en inventant des représentations toujours plus affinées de la valeur sémantique d'une expression linguistique (pour une discussion de la question voir Mariani, 1992).

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