l'éclat

 

Giorgio Colli : Les cahiers posthumes

(n.d.e.)

 

 

 

Critères de l'édition

N.D.T.

 

Poursuivant la publication de l'œuvre de Giorgio Colli en français, nous publions aujourd'hui trois volumes consacrés aux cahiers posthumes parus en Italie sous le titre La ragione errabonda [La raison errante], Adelphi, Milan, 1982, édités par Enrico Colli.

Tout en conservant le critère chronologique adopté par Enrico Colli pour La ragione errabonda (cf. critères de l'édition), nous avons introduit un second critère «thématique».

Le premier volume rassemble donc, à partir de l'idée de distance, les notes qui concernent le rapport de l'écrit à l'oral, de la substance à l'expression, plus un ensemble sur la culture et l'État. Nous avons fait figurer ici certaines notes essentielles sur la pensée grecque archaïque, les origines du logos, et la question du raisonnement dialectique, ainsi que l'ensemble sur la «Grande philosophie» et sur la pensée indienne. Le terme de distance, s'il n'est pas employé par Colli, renvoie à cet espace entre substance et expression et il évoque également le détachement nécessaire dont doit faire preuve le philosophe. C'est sur ce pollakôs legomenon, cette diversité de sens, que repose ce premier volume.

Le deuxième volume rassemble différents fragments antérieurs à l'écriture de Philosophie de l'expression (1969) et constitue le laboratoire de cette œuvre importante, dont Colli dira lui-même qu'elle fut sa «plus grande émotion» [814].

Le contact est un concept central dans l'œuvre de Giorgio Colli, qui grandit à l'ombre du fragment d'Héraclite : «Contacts: les totalités et les non-totalités, le convergent et le divergent, le consonnant et le dissonnant» (SG III, 14 [A 27]). Il est «l'indication d'un rien représentatif, d'un interstice métaphysique, qui est pourtant un certain rien, puisque ce qu'il n'est pas ... lui confère une détermination expressive» ([805]). La plongée vertigineuse dans ce «rien ... qui est» dessine les contours d'une philosophie du contact, qui est, selon l'expression de Massimo Cacciari, un «toucher-penser». Mais «la faiblesse du raisonnement moderne vient d'une hypertrophie de la pensée abstraite» ([510]), et rares sont ceux qui se sont aventurés sur les pentes escarpées d'un tel «toucher-penser». C'est pourquoi l'œuvre de Colli est encore aujourd'hui entièrement à découvrir. Que les membres épars de cette raison errante puissent permettre au public francophone de percevoir sa 'terrible' unité à l'horizon de notre siècle qui s'achève.

 Le troisième volume est consacré aux notes sur ou à partir de Nietzsche qui ne furent reprises ni dans Après Nietzsche, ni dans les différentes préfaces aux éditions de Nietzsche rassemblées après la mort de Colli sous le titre Ecrits sur Nietzsche.

Le lecteur francophone disposera alors d'une édition quasi exhaustive de ces cahiers posthumes.

Nous ne pouvons conclure sans remercier Enrico Colli de l'extraordinaire travail éditorial accompli pour La ragione errabonda, et pour la générosité avec laquelle il a consenti à le voir ainsi démembré. Que les membres épars de cette Raison errante puissent permettre au public francophone de percevoir la Ôterrible' unité de cette pensée sans équivalent à l'horizon de notre siècle qui s'achève.

Giorgio Colli disparut brusquement le 6 janvier 1979 à l'âge de 62 ans, alors qu'il travaillait à la rédaction du troisième volume de la Sagesse grecque, consacré à Héraclite.

Outre sa thèse (Nature aime se cacher) publiée en 1948, trois livres de lui parurent de son vivant: Philosophie de l'expression (1969), Après Nietzsche (1974), La naissance de la philosophie (1975). Il prépara une nouvelle édition critique des Présocratiques : La Sagesse grecque (1978 sq.), malheureusement inachevée. Parurent posthumes les Écrits sur Nietzsche (1980), La Raison errante (1982), et Pour une Encyclopédie des auteurs classiques (1983). Commencent de para”tre en Italie ses cours sur Zénon (Zénon d'Élée, Adelphi, Milan, 1998), Gorgias et Parménide. Il traduisit également Le Banquet de Platon, l'Organon d'Aristote, la Critique de la raison pure de Kant, ainsi que plusieurs autres livres pour les collections qu'il dirigea successivement chez les éditeurs Einaudi et Boringhieri, à Turin, avant de rejoindre, au début des années soixante, la jeune maison d'édition Adelphi à Milan, pour réaliser, avec Mazzino Montinari, le projet de l'édition des Œuvres complètes de Friedrich Nietzsche, qui paraîtra également en France chez Gallimard, puis en Allemagne chez Walter De Gruyter & Cie.