l'éclat

Colli : Les cahiers
posthumes

Critères de l'édition

Enrico Colli

 

 

 

N.D.T.

N.D.E.

L'intention première de ce livre était d'offrir une édition des notes, toutes de caractère philosophique, que mon père écrivit dans un grand cahier à la couverture de toile rouge de 1961 à 1977. Ces notes, datées pour la plupart, constituent 899 pages manuscrites numérotées; mon père y avait fait allusion à quelques personnes, et il avait aussi évoqué leur intérêt en vue d'une publication.

Toutefois, dès l'abord, la lecture du manuscrit mit en évidence une difficulté quant à une éventuelle édition: la présence de fréquents renvois à d'autres notes, soit précédentes soit contemporaines, dont la connaissance est, dans certains cas, indispensable pour la compréhension du texte, mais dans tous les cas essentielle pour son approfondissement. De ce second groupe de notes, certaines furent écrites sur des cahiers, d'autres sur des feuilles volantes: les cahiers ont été retrouvés sur la table de travail de mon père, avec le cahier rouge. Les feuilles sur une étagère de la bibliohèque, rangées dans des chemises, ordonnées et numérotées. Avec ces chemises se trouvaient aussi d'autres groupes de feuilles et deux petits carnets, qui ne sont cités nulle part. [...]

[Ainsi le cahier rouge s'est trouvé mêlé à un ensemble plus vaste qui constitue pour nous une nouvelle unité. C'est de cette unité posthume que nous sommes partis, rétablissant toutefois à leur place (chronologique) les notes des cahiers qu'Enrico Colli avait donnés en appendice, dès lors que le cahier rouge ne constituait plus le pivot de notre édition.]

 Quant au contenu, la série entière des manuscrits peut être comprise, d'un côté, comme une continuelle élaboration de sa pensée, fût-ce dans des directions différentes, complémentaire et parallèle aux œuvres publiées, mais autonome; et d'autre part comme une masse de matériau préparatoire que mon père aurait ensuite rassemblé pour la rédaction des écrits publiés. Dans l'édition, j'ai voulu sauvegarder ce double aspect des notes, c'est pourquoi j'ai classé les manuscrits par ordre chronologique, de la manière qui sera précisée ensuite (chaque fragment étant numéroté entre crochets), à l'exclusion des premières versions des aphorismes qu'il a lui-même publiés par la suite, et seulement s'ils présentaient, par rapport au texte édité, des différences - même importantes - de caractère purement formel. [...]

  

Classification

et description des manuscrits

 

A. Chemise contenant deux groupes de feuilles, numérotées et datées, tenues par des élastiques ; cités dans le cahier rouge (voir plan(1) [169], résumé du 10.5.65). En particulier :

1. N.d.e. La plupart des plans contenus dans les cahiers seront publiés en appendice d'un prochain volume.

 

I. 9 feuilles de dimensions diverses, numérotées, certaines d'un seul côté, d'autres sur les deux, de 1 à 12; datées du 6 mai 1955 au 15 juillet 1959. Elles contiennent des notes et un plan, [6] du 15 février 1958, pour un petit livre sur les principes d'une logique philosophique, que l'auteur ne réalisa jamais (voir [814] janvier 1958(2)). Ainsi qu'un plan, [8] du 1er juillet 1959, pour un livre de plus grande ampleur qui est, in nuce, Philosophie de l'expression.

II. 70 petites feuilles, certaines numérotées d'un seul côté, d'autres des deux, de 1 à 105; datées du 24 janvier 1960 au 10 août 1961. Les dernières feuilles précèdent toutefois cette date, comme on le déduit du [74] daté du 30 juillet 1961 ; dans l'établissement du texte, on a pourtant préféré suivre l'ordre donné par le numéro de page, qui reflète une intention successive de l'auteur. Ces feuilles contiennent des notes pour le plan [8], de logique, mais aussi d'«analyse métaphysique» (voir [38]3) ; et elles se concluent par le plan [74], «Théorie de l'expression», qui est une sorte de systématisation de ces intérêts. Certains fragments sont sur Nietzsche.

 B. Chemise qui contient des feuilles volantes, non numérotées, mais ordonnées et datées (à part certaines, qui peuvent toutefois être datées par interpolation). En particulier :

I. 8 feuilles de taille différente avec les poésies des années 1948-1957; non citées dans le cahier rouge.

II. 32 grandes feuilles contenant des notes datées du printemps-été de 1957, écrites en vue du «livre de notre crise» (voir [814] juin 1957(4)): un de ses principaux arguments devait être Nietzsche. Vraisemblablement ce projet est uni, ici, à celui d'un livre sur Nietzsche exclusivement, dont il est question en [75](5).

2. N.d.e. Colli note dans ce carnet à la date de 12 janvier 1958 : «Retour à Florence. Décision de me consacrer aux problèmes logiques: plutôt qu'un article sur les principes, je veux faire un petit livre, qui pourrait être fini dans l'année. Retour à Aristote. »

3. Note du 25.7.60 sur le contact qui figurera dans le volume Cahiers posthumes II (dorénavant CP II).

4. «Juin. Mariage de Lucia. Je commence à prendre des notes pour le livre de notre crise.»

5. Daté du 12.3.57 le fragment [75] porte le titre «Notes pour “Nietzsche”» et figurera in Cahiers posthumes III (dorénavant CP III).

III. 4 petites feuilles du début de 1960, datées ; argument analogue à B II.

B II et B III sont cités dans le cahier rouge dans le résumé du 31.5.72 [505], et constituent le premier matériau pour Après Nietzsche.

 C. Petit carnet - auquel il n'est fait aucune reférence dans le cahier rouge - contenant les notes sur différents sujets (philosophiques) ; daté du 21 au 31 août 1956.

 D. Carnet de couverture marron, contenant une sorte de «journal», daté, avec de longs intervalles, du 5 octobre 1956 au 11 novembre 1976 ; c'est l'unique manuscrit non philosophique et, naturellement, il n'est pas cité dans le cahier rouge.

 E. Cahier relié  rouge, numéroté de 1 à 889, daté du 28 novembre 1961 à Noël 1977. De la page 1 à la page 411, la page de droite est la page principale, alors que, sur la gauche se trouvent soit la suite de la page de droite, soit des notes successives, à intégrer dans le texte - soit par des signes de renvoi, ou par évidente déduction -, ou à considérer comme des fragments autonomes. De la page 412 à la fin, les notes se succèdent normalement (de gauche à droite) et les ajouts ou les notes successives sont écrits entre les lignes ou dans la marge. Dans ce manuscrit, nous pouvons distinguer différentes parties :

1) De la page 1 à la page 139 (28 novembre 1961-30 juillet 1962), les notes de BII et BIII sont continuées et développées, probablement toujours en vue du «livre de notre crise» ; mais ce sont les notes sur Nietzsche qui deviennent ici prépondérantes. Aussi ce matériau est-il rappelé dans le plan pour Après Nietzsche, du 31.5.72 [505].

2) De la page 141 à la page 191 (21-24 Décembre 1962) nous avons dans le manuscrit une séquence continue intitulée «Analyse des catégories». Les notes pour le livre théorétique reprennent également.

3) De la page 195 à la page 700 (30 avril 1965-21 octobre 1969). Après une période au cours de laquelle mon père utilisa des cahiers souples (voir plus loin, les manuscrits F), continuent ici les notes de logique et d'«analyse métaphysique», émaillées de fréquents rappels aux Grecs, d'allusions sporadiques à Nietzsche, de quelques essais poétiques. Au début de cette section, se trouve le résumé des points importants de logique du 10 mai 1965 [169], où sont cités AI, AII, FI 1 et FII 1.

C'est la partie centrale et, sans doute, la plus intéressante du cahier rouge; nous trouvons ici le matériau préparatoire d'un livre théorétique, pour lequel nous avons différents plans et différents titres(6) (voir, entre autres, plans [233], [247], [319] et [387]), et qui deviendra Philosophie de l'expression, dont la publication met un terme à cette section du manuscrit. Toutefois, dans Philosophie de l'expression, seule une partie des thèmes abordés ici a été utilisée. Il n'y a d'ailleurs que peu de fragments qui peuvent être considérés comme la première version des aphorismes publiés par la suite: la première version manuscrite et le texte définitif de Philosophie de l'expression, dactylographié entre juillet 1968 et octobre 1969 (voir [361] et [482](7)), furent rangés par l'auteur dans un classeur à part, et ne font pas partie du matériau qui constitue cette édition.

6. Successivement : [233] Le fouet du dieu. Le fil d'Arianne; [247] Théorie de l'expression; [319] L'enfant et le miroir. Un essai théorétique; [387] La grimace et le sourire.



 

4) De la page 701 à la page 889 (13 mai 1970-Noël 1977), il reprend les notes pour un livre sur Nietzsche. Le plan [505], daté du 31 mai 1972, est un résumé de tous les passages sur ce sujet - et BII, BIII, E1 sont rappelés ici. Suit la version préparatoire de ce que sera Après Nietzsche, pour lequel, à la différence de Philosophie de l'expression, il n'existe pas de manuscrit autonome, mais seulement le texte dactylographié définitif. Dans cette section, nous avons donc de nombreux morceaux qui, avec certaines variantes, ont constitué Après Nietzsche: ceux-ci sont naturellement exclus de cette édition. Nous avons donc aussi des fragments préparés pour Après Nietzsche, et non utilisés par la suite, qui sont reportés dans le texte, ainsi que de nombreux autres passages exclus des aphorismes publiés, reportés en notes. Il n'y a en revanche que peu de notes sur un sujet hétérogène.

 F. Trois cahiers avec une couverture à fleurs.

I. Numéroté de la page 1 à la page 91 et daté du 23 juillet 1963 au 19 août 1964 ; le texte est sur la page de droite, alors que la gauche est réservée aux notes successives. Nous pouvons distinguer deux parties :

1) de la page 3 à la page 73 (23 juillet 1963 - 30 juillet 1964) nous trouvons des notes pour le «livre de notre crise», la première version du «Préambule» à la publication des Œuvres de F. Nietzsche, pour la présentation éditoriale de la collection Les classiques Adelphi (re-publiée dans les Écrits sur Nietzsche), mais surtout logique et théorie de la connaissance. Ces notes sont, entre autres, rappelées dans le résumé [169] du 10 mai 1965, et s'insèrent chronologiquement après E2.

2) de la page 74 à la page 91 (juillet-août 1964), une esquisse de tragédie sur la mort d'Alexandre le Grand et deux essais poétiques. Cette seconde partie n'est pas citée dans le cahier rouge.

II. Numéroté de la page 1 à la page 57 et daté du 23 août 1964 au 1er juillet 1968 ; écrit, normalement, d'abord sur la page de gauche puis de droite. Nous pouvons distinguer deux parties:

1) de la page 1 à la page 49 (23 août 1964-29 avril 1965) nous trouvons des notes sur les Grecs, sur Nietzsche, sur la définition de limite, et quelques-unes sur des sujets abstraits; figurent également quelques poésies. Ces notes sont rappelées, entre autres, dans le résumé [169] du 10 mai 1965, et s'insèrent chronologiquement entre FI 1 et E3.

2) de la page 50 à la page 57 (28 juillet 1965 - 1er juillet 1968) nous trouvons quelques poésies et une tentative de résolution du problème de Fermat. Cette seconde partie n'est pas citée dans le cahier rouge.

III. Numéroté de la page 3 à la page 23 et daté du 15 janvier 1966 au 19 novembre 1974 ; écrit seulement sur la page de droite. Nous pouvons distinguer deux parties :

1) de la page 3 à la page 13 (15 janvier 1966-28 février 1966) on trouve une séquence complète intitulée « Jeunesse de la raison», qui constitue peut-être un début de version préparatoire pour une œuvre destinée à la publication. C'est une hypothèse qui expliquerait la contemporanéité avec des notes du cahier rouge, ce qui ne se vérifie que dans ce cas. Ces notes sont rappelées dans le plan [233] du 29 mars 1966, et s'insèrent chronologiquement à l'intérieur de E3.

2) de la page 17 à la page 23 (3-19 novembre 1974) nous trouvons seulement des poésies, qui ne sont évoquées nulle part ailleurs.

 G. Chemise contenant - avec du matériau pour l'édition de Nietzsche et des annotations pratiques - neuf feuilles dactylographiées, non datées mais remontant à la fin juillet 1966, comme on peut le déduire de [814] du 14 décembre 19669. Le texte dactylographié est une première version du début de Philosophie de l'expression, très différente du texte qui sera publié ensuite; il s'y réfère dans le cahier rouge comme à l'Entwurf (voir [255], [260], etc.). À noter que ces feuilles n'ont pas été mises par l'auteur dans la chemise qui renferme tout le matériau pour Philosophie de l'expression, dont la version définitive fut commencée dans le courant de juillet 1968 (voir [361]).

 H. Trois feuilles datées, pliées et insérées dans le cahier rouge, du 7 décembre 1975 au 30 août 1976, contenant des poésies.

 

Les manuscrits pris en compte,   par part les poésies de 1948-1957 (BI) et les dernières poésies (FIII 2 et H), couvrent donc la période qui va de la sortie de l'édition de l'Organon d'Aristote (juillet 1955) à la fin d'Après Nietzsche (2.7.74), si l'on considère qu'après cette date il n'y a que trois fragments de E, qui remplissent une seule page manuscrite.

En ce qui concerne la mise en ordre du matériau, j'ai éliminé le critère de publier chaque manuscrit en ordre chronologique selon la date de commencement, ce qui, étant donné la contemporanéité de nombreux manuscrits et l'importance quantitative de E, aurait considérablement gêné la lecture - on passerait par exemple des notes de la fin de E4 (1977) à ceux de FI 1 (1963), alors que des notes presque contemporaines se retrouveraient cent pages plus loin. J'ai adopté en revanche le critère de suivre l'ordre des sections de manuscrits, telles qu'elles ont été subdivisées et décrites supra, les insérant donc dans leur succession, avant ou à l'intérieur du cahier rouge, en maintenant l'intégralité de chaque section du manuscrit, à l'exception de E3 qui est divisé en deux, à partir de FIII 1, qui lui est contemporain. On obtient ainsi une mise en ordre chronologique des fragments, très exacte, sans toutefois démembrer les sections du manuscrit.

Ce qui constitue le texte, c'est le cahier rouge avec toutes les sections qui sont explicitement mentionnées ; à l'exclusion de G qui, bien qu'étant rappelé dans E, est seulement une première version d'une œuvre éditée, et par conséquent à publier en appendice. La mise en ordre du texte est alors la suivante : AI, AII, BIII, E1, E2, FI 1, FII 1, E3 (première partie), FIII 1, E3 (deuxième partie), E4.

Par contre, ont été publiées en appendice, en plus de G, les sections du manuscrit auxquelles il n'est pas fait référence dans le cahier rouge, et qui sont en majeure partie des poésies ; celles-ci ont été ordonnées comme suit : BI, C, FI 2, FII 2, G, FIII 2, H, et, à la fin le journal D.

 [Reprenant l'ordre chronologique sur l'ensemble des cahiers, notre ordre est identique   la la première succession d'Enrico Colli, (AII, BIII, etc.) au seul détail du cahier C que nous avons remis à sa place, et dont nous avons retenu le petit ensemble sur les rapports culture/État.]

Les fragments ont été numérotés par ordre progressif sans référence explicite, par des lettres ou des numéros, au manuscrit dont ils proviennent, ceci pour rendre les renvois internes plus clairs. On a choisi de les numéroter par un seul numéro correspondant à la date quand : a) il y a un seul fragment à cette date; b) il y a plusieurs fragments sur le même sujet, même s'ils sont espacés dans le manuscrit (et l'espacement est maintenu); c) il y a plusieurs fragments de sujets différents, espacés dans le manuscrit, mais la date qui suit est celle du jour suivant : dans ce cas les fragments sous le même numéro furent sûrement écrits dans la même journée. Quand un seul fragment a été écrit en plusieurs jours, et que les dates sont rapportées, il est numéroté seulement en correspondance à la première date. Par contre, on adopte un second numéro, auquel ne correspond aucune date, quand il y a plusieurs fragments de sujets différents et que la date qui suit n'est pas celle du jour suivant; on donne également un numéro à part quand la même date est répétée au début d'un fragment successif sur plusieurs sujets, et aussi quand le suivant, bien que non daté, commence sur une nouvelle page. Quand les notes postérieures - même séparées par des années - à la version originale d'un fragment ne peuvent plus être intégrées dans le texte même, mais doivent être considérées comme des fragments autonomes, on adopte pour ceux-ci, le même numéro que le fragment auquel ils se réfèrent, suivi d'une lettre minuscule ; c'est le seul cas dans lequel la datation est incertaine, même si elle suit naturellement le fragment de référence. Dans tous les autres cas, les fragments pour lesquels aucune date n'est donnée, peuvent être datés entre celui qui précède et celui qui suit.

Nous avons retenu dans le texte les corrections les plus récentes. Les ajouts postérieurs à la première version, généralement écrits de couleur différente, sont naturellement reportés dans le texte et sont signalées par < ... >; alors que les ajouts faits avec la même plume, et dont on peut donc présumer qu'ils sont contemporains de la première version, ne sont pas signalés. Les premières versions successivement remplacées sont reportées en note quand elles n'ont pas été barrées par l'auteur ou quand elles ont été mises entre parenthèses; quand, en revanche, elles ont été barrées, elles ne sont reportées que dans les cas de différences formelles importantes ou de différences de contenu. Dans tous les cas ce qui a été barré pendant la rédaction n'est pas reporté dans les notes.

Dans les nombreux cas de renvois internes existant dans le manuscrit, on substitue au numéro de page de l'original ou à la date du fragment auquel il se rapporte, le numéro du fragment de cette édition. [...]

J'exprime ma gratitude Mazzino Montinari pour ses conseils et l'aide qu'il m'a apportés dans le cours de mon travail.

 

Enrico Colli

7. [361] 5.7.68 <début de la deuxième version>. [...]

[482] Conclusion écrite à Milan le 21 octobre.

Première partie écrite entre juillet et octobre 1968.

Deuxième partie écrite entre le 15 juillet 1969 et le 25 septembre.

Troisième partie écrite entre décembre 1968 et avril 1969 (jusqu'à «élimination de Socrate») - achevée le 12 octobre 69.»

Le fragment [480] se réfère également à Philosophie de l'expression. Colli note en effet: «Le livre n'a pas de notes: je m'excuse...