l'éclat

 

Giorgio Colli : le philosophe et l'énigme

 

Ferruccio Masini

 

traduit de l'italien par Michel Valensi

 

 

 

1. Ce texte avait paru en italien dans un volume intitulé Giorgio Colli, édité par Sandro Barbera et G. Campioni, Franco Angeli, Milano 1983, à la suite d'un colloque organisé en 1981 par l'Administration de la Province de Pise sur l'œuvre de Colli. Nous remercions les éditeurs de nous avoir autorisé à le rerpoduire. Ferruccio Masini, décédé il y a quelques années, fut l'un des traducteurs de Nietzsche en italien (édition critique sous la direction de Giorgio Colli et Mazzino Montinari, Adelphi, Milano)et l'auteur de plusieurs ouvrages.

 

Cette traduction française a été publiée dans la revue Archives de Philosophie, janvier mars 1994, tome 57 cahier I, p. 135-156, numéro spécial dirigé par Guy Petitdemange, consacré aux Philosophes en Italie. Nous remercions la revue de nous avoir autorisé à le reprendre ici.

Le philosophe et l'énigme1. Le philosophe ne peut regarder, ni affronter l'énigme, le sage, oui. L'énigme – dirait Colli – appartient à la sphère de la «connaissance mystique» et celle-ci, au dire d'aujourd'hui, «n'existe pas, et si elle existait, serait quelque chose de trouble, en tout cas d'incompatible avec la clarté et la mesure grecque2». C'est ce qu'écrivait, en polémiste, Giorgio Colli, revendiquant l'événement mystérique d'Éleusis comme une «fête de la connaissance3» contre l'opinion dominante des chercheurs modernes, selon laquelle il ne s'agirait que de la connaissance des «représentations symboliques» présentes dans le rituel éleusinien. Mais quand je dis «le philosophe et l'énigme», je me réfère en réalité à cette attitude de sagesse qui peut affronter l'énigme et précède celle du philosophe, chez qui on dénote justement un affaiblissement du sens agonistique de la pensée, au point d'atteindre à ce que Colli appelle «l'insécurité finale».

Il y a dans cet affrontement de l'énigme, la grande leçon d'un penseur comme Colli, chez qui la critique de la culture, l'activité théorétique et la réflexion philologique renvoient à une même impulsion vitale. Du reste, déjà dans son écrit de jeunesse Physis kryptesthai philei (1948)5, Colli insistait sur l'appartenance commune à un même projet autocognitif existentiel de l'historien, du philologue et du philosophe, affirmant que «l'intérêt que nous éprouvons pour une expérience humaine du passé ne peut s'expliquer par la pure impulsion dite scientifique» [PHK, 18]. En fait «un tel intérêt ne peut se dire d'aucune manière indifférencié qualitativement et quantitativement. La donnée historique est expression d'une intériorité humaine: rien d'autre que cela ne peut être l'élément commun recherché.» [ibid.] Il faut donc se servir des instruments philologiques et historiques opportuns et indispensables pour donner figure à cette «expression» où transparaît évidemment l'intériorité primitive.

Remonter le chemin de la philosophie, l'odyssée des expressions, reparcourir le labyrinthe du Logos, pour employer les termes forts et fondamentaux de la réflexion de Colli, signifiait, pour ce dernier, expier la mort de la philosophie et le nécessaire mensonge de l'écriture pour s'approcher des portes de la sagesse et, plus précisément, de ce seuil décisif à partir duquel ont parlé les sages «terribles» [PE, 236] les Grecs.

C'est justement cette insistance sur l'ambiguïté de ce seuil et sur son caractère évidemment infranchissable qui caractérise la stature moderne d'un penseur étranger, sinon hostile, aux «sirènes des modernes» et pourtant absolument capable, selon moi plus que tout autre, d'articuler la richesse problématique du «moderne», grâce à ce formidable réactif intellectuel que lui offrait la fréquentation des anciens, des maîtres d'une tradition mystérique et de sagesse, aux premières lueurs de notre civilisation.

Quand, dans Après Nietzsche, Colli écrivait: «L'énigme est un jeu où niche une violence; la joute est une violence où niche un jeu» [AN, 127], il ne nous offre pas seulement la clef de voûte pour comprendre la genèse agonistique et rituelle de la dialectique, et donc le sens de ce défi et de cette provocation mortelle qui se cachent dans le mot grec pró-blema (pró-blema de probállô qui signifie «jet au-devant») mais aussi le profil herméneutique nécessaire pour comprendre sa philosophie de l'expression. Le seuil orphique et dionysiaque, à partir duquel commence la sagesse grecque, constitue en effet, le pivot même d'une philosophie de l'expression conçue comme méditation sur l'énigme ou, si l'on veut, sur le passage, qui est souligné en elle, de l'énigme comme chiffre archétypique et dionysiaque de l'insondable, à l'énigme comme substance profonde de cet écart permanent, de ce clinâmen, dans lequel et pour lequel se constitue le monde de l'expression. Il est évident que ce n'est pas le moule anthropologique (mythopoïetique) ou esthétique de l'énigme qui oriente l'image ambiguë, double, problématique, du monde et de son rayonnement expressif, de son flux et reflux, de la «raison errante», et du «Logos destructeur», mais bien au contraire une intelligibilité métaphysique, à la lumière de laquelle tout ce qui est hors de l'immédiat, «le temps, l'espace, le monde [lui-même], l'histoire», peut être conçu comme une suite d'abstractions défensives. Si, comme le dit la Kabbale, le sens c'est l'offense, c'est-à-dire, pour se référer à la philosophie de l'expression, si le sens est caché dans la provocation de l'énigme, et si l'action de l'énigme consiste à «tromper et tuer par la tromperie», les réponses du sage sont celles d'un «guerrier qui sait se défendre». On se défend donc du sens, comme l'exige la Kabbale, qui indique les voies pour reconstruire le sens originel exprimé par Dieu quand il fit don de la Tora à Moïse. Mais le parcours de la «philosophie de l'expression» est celui d'une défense qui n'implique pas une destitution du sens, ni même une récupération du sens originel, mais bien plutôt la constitution, en dehors de toute hypothèque nihiliste et même des suggestions schopenhaueriennes, de la sphère ludico-tragique, agonistique, où agit le sens comme particularité métaphysique de l'énigme et comme tension à laquelle se rapporte constamment, tout en se cristallisant en sédimentations autonomes, le monde des expressions, ces images jetées dans le miroir.

Dans l'image du miroir de Dionysos – «Dionysos ayant placé l'image dans le miroir, la pourchassa et fut ainsi pulvérisé dans le tout» [PE, 52] dit un texte orphique cité par Colli – nous pourrons trouver une sorte de récapitulation symbolique et initiatique de cette même philosophie de l'expression. Si Dionysos est l'«insondable» dans lequel jeu et violence sont mêlés, si Dionysos est cette immédiateté qui se trouve en-deçà de toute représentation et de tout dualisme, de l'alternative, c'est-à-dire, par laquelle le Logos construit le rythme des étendues expressives, tout ceci n'est rien d'autre que le déploiement fragmenté de la vie dans laquelle le dieu se mire lui-même, contemplant une image qui n'est plus son image. Mais justement ce miroir, dans lequel se manifeste, jamais en totalité, le fond de l'immédiateté, se multipliant dans les séries expressives, nous renvoie à la nature de l'énigme. La racine de l'énigme c'est «la racine du ciel et de la terre» – comme dirait Lao-Tseu – et c'est pour Colli, cette même immédiateté «non représentable», «la racine cachée des contacts». Cet irreprésentable, qui se cache dans l'énigme, rappelle la «forme sans forme», la «figure sans figure», l'«impénétrable» dont parle le Tao-Te-King.

Pour que l'on puisse saisir ce fond de l'immédiat qui est le présent (mais Colli l'appelle aussi «contact métaphysique»), sans avoir à le suivre le long du fil du temps qui le relie à la séquence de l'«avant» et de l'«après», puisque dans ce cas il précipiterait dans l'abîme, il convient de considérer justement ce présent comme éternel commencement, comme l'instant incorruptible vers lequel tend la mémoire sans jamais l'atteindre.

L'énigme constitue un gué, à la fois ouvert et entravé, cette «concentration germinale» – pour employer les termes de Colli – de l'expression, dans lequel cette dernière n'est pas encore, n'est ni écriture ni logos; dans l'énigme les figures tropiques sont à l'état naissant et se modèlent en une ambiguïté fondamentale identique à celle de l'enfant Dionysos, où «jouissance d'une impulsion» et «souffrance d'une oppression» cœxistent magiquement. Nous pourrons tout autant dire que le fond de l'énigme fait allusion à la coïncidence, dans l'archè, de la «suspension», de l'«équilibre», de l'«indécision» [PE, 53].

Violence et jeu pourraient donc être conçus comme l'hendiadys qui constitue la structure et le moule signifiant de l'énigme. En lui, en effet, est enclos le jeu de la violence, du fait duquel la cruauté, la dureté du pró-blema devient, de même, l'innocence de l'éternel commencement, du Neubeginn nietzschéen, et, en même temps, la violence du jeu, dès lors qu'il implique le risque mortel pour celui qui accepte le défi de l'énigme. Colli a su porter son regard au plus profond du mystère apollinien, s'en approchant, ou mieux, l'enchevêtrant à celui du Sphinx.

C'est ainsi, en effet, qu'il interprète les mots d'un fragment de Pindare: «L'énigme résonne des mâchoires féroces de la vierge» [ibid.]. L'aspect ludique de l'énigme – comme l'appelle Colli – tient dans le «contraste entre la futilité de son contenu et le tragique de l'issue» [ibid.]. Sur cet hendiadys du jeu tragique oscille cette même formulation de l'énigme comme pró-blema, jet en avant, l'obstacle que le dieu propose impitoyablement à celui que l'on défie justement de déchiffrer l'énigme, de passer outre l'obstacle terrible. Mais c'est justement cet obstacle qui caractérise l'abîme de l'immédiateté. Ici – dira encore Colli dans Philosophie de l'expression – «il y a une résistance, un obstacle, une contraction» [PE, 48]. Cet écart que l'on retrouve dans l'expression, et qui est constitutif de l'expression même – de même que – que l'on me permettre l'analogie – l'effort est constitutif de la conscience en tant que fait primitif pour Maine de Biran – fait en sorte que l'expression est destinée à «gagner en extension, ce qui lui manque en adéquation». Mais en même temps cet écart, ce clinamen, est déjà englobé comme une détermination métaphysique du profond; il constitue pour parler comme Colli «une insuffisance du profond».

L'«ambiguïté nouménique» – c'est une expression que Colli emploie dans Physis kryptesthai philei – dont l'énigme constitue, à mon avis, la figure tropique germinalement signifiante, peut être donc identifiée comme la radicalisation problématique de l'archè. Quand Colli affirme: «Dans celle-ci [l'archè], c'est un commandement qui est une suspension» [PE, 52], il ne nous donne pas seulement une lecture au sens fort d'une question fondamentale de la philosophie des Présocratiques, c'est-à-dire une sorte d'«interprétation» subtilement «révisionniste» (Harold Bloom): au-delà de tout cela, il nous situe au centre de ces apories transcendantales sur lesquelles s'appuie la problématique du temps et de la mémoire dans la philosophie de l'expression. Dans l'archè, en effet, la coïncidence du commandement et de l'arbitraire, de violence et de jeu ne peut être dépassée justement parce que les scissions et les écarts opérés par la dialectique (le commandement alternatif) ne sont pas encore intervenus. Nous sommes encore dans le cadre de l'«hallucination mystérique», mais ce n'est pas un hasard si justement les transfigurations expressives, les rythmes progressifs de l'abstraction, les flux et reflux du monde de l'apparence, dans lequel se propagent les échos, les répercussions d'un «inadéquation dans le profond d'un effort entravé», semblent participer de ce tonos métaphysique de l'énigme qui vibre métalliquement dans les trames de la représentation et renvoie les mêmes catégories à un jeu de métaphores et de tropes, à une lutte de métalepses et de synécdotes.

On veut dire par là que même Colli l'«inactuel» réalise sa critique du logocentrisme occidental en transférant le centre de gravité ontologico-métaphysique et ontothéologique non pas tant du logos au melos, que du logos à la dissonance, à l'ambiguïté métaphysique de l'énigme conçue comme profil transmétaphorique de l'expression et en même temps comme le même potentiel germinal du monde de l'expression. L'énigme, en effet, est quelque chose «qui conditionne le logos, mais qui n'est pas conditionnée». La même «immédiateté» et le même «vide» sont saisissables dans l'énigme comme ce «quelque chose qui peut être vécu sans le savoir».

«On peut vivre – écrit Colli – quelque chose sans le savoir, et c'est justement le cas de l'immédiateté.» [PE, 36]

La philosophie de l'expression toute entière se présente comme une herméneutique de la mémoire, en vertu de laquelle se trouve thématisé le seuil, que nous pourrions nommer, recourant au terme platonicien, le chorismós, qui sépare et en même temps unit le fond de l'immédiateté et le monde des séries expressives. La singularité de Colli, justement comme philosophe «moderne» consiste à l'avoir exploré, d'un regard enrichi par la sagesse antique, «quelque chose qui pourtant fait partie de la vie mais qui n'est pas repérable dans le tissu représentatif» [ibid.], c'est-à-dire la possibilité d'évocation d'un mémoire antiprédicative, étrangère à la dichotomie sujet-objet, une mémoire qui vit dans les sédiments de l'expression, mais en même temps les transcende. «Le souvenir – écrit Colli – perçoit qu'il y eût quelque chose de différent de l'actuelle représentations : c'est en cela précisément que consiste l'essence de la mémoire.» [PE, 36] La théorie du «souvenir primitif» – comme il l'appelle – est la théorie de «quelque chose qui n'est ni souvenir ni représentation mais qui en tout cas doit être posé comme ce qui n'est pas produit par le souvenir mais ce qui le produit le cas échéant: comme ce qui devra être tenu pour non réel puisque ce n'est pas un objet, mais qui est néanmoins hétérogène vis-à-vis du souvenir, et aussi la forme représentative de la mémoire.» [PE, 37] Le «souvenir primitif» c'est justement le seuil qui sépare l'immédiateté du monde de l'expression, en tant qu'il «exprime ce qui n'est pas seulement en dehors de l'espace, mais aussi du temps». Mais justement cette mémoire sans objet, cette mémoire «pure», où se cache «l'abîme qui s'ouvre dans le tissu temporel», se grave, pour ainsi dire dans la trace de l'énigme, dont la possibilité-impossibilité de déchiffrement plonge dans la perception d'un temps qui n'est pas du temps, d'un obstacle auquel on se mesure, d'une perception exprimée par l'instinct indomptable et en même temps par l'ivresse du jeu de la connaissance.

Ce seuil de la mémoire et de l'énigme est soustrait, par Colli, malgré sa coloration archétypique, à une suggestion jungienne quelconque, comme, d'autre part, à la perspective onto-phénoménologique de Heidegger. Il ne se résout pas non plus dans une intelligibilité anthropologique ou dans une visualisation purement esthétique du «primordial»: il est au contraire entendu comme un seuil orphique et mystérique. De là on peut sans doute entendre la philosophie de l'expression comme le dénouement d'une sagesse de l'énigme. En lui se tient cet insurmontable dans lequel – observe Colli – «il y a un jeu de violence, qui est l'archè». L'entrelacs de violence et de jeu, dans lequel se tient le clinâmen métaphysique de l'énigme, est assimilable à l'ambiguïté de Dionysos. L'archè est un seuil qui maintient encore cette ambiguïté et, pour ainsi dire, la contracte. Le commandement alternatif qui se détache de l'archè, scindant jeu et violence, n'est pas encore prononcé dans l'énigme dionysiaque parce qu'en elle jeu et violence sont encore mêlés. L'«hallucination mystérique» – dont parle Colli – est donc l'évocation d'une profondeur qui est celle-là même de l'énigme. Le défi de l'énigme comme provocation à la «joute» ouvre l'accès au mystère de ce dieu, Dionysos, dans lequel se révèle le fond impulsif de cette concentration germinale de l'immédiateté dont l'intensité est celle-là même du plérôma. Le pathos de l'énigme ou mieux de la pensée qui pense l'énigme, est là, et le monde de l'expression dans sa totalité peut être saisi comme le rayonnement de cette intensité impulsive dans la «plus grande extension représentative».

Devant la tendance d'une certaine philosophie contemporaine à modeler, au-delà de la destruction du sujet et de l'absence de fondements, une sorte d'ontologie du déclin dans lequel la critique même de la culture semble s'écraser sur les valeurs faibles de la société industrielle de masse, ce même Kulturpessimismus de Giorgio Colli se présente paradoxalement comme une pensée affirmative. Quand il écrit que «ce qui existe de vivant dans le présent, n'est qu'un nouvel affleurement d'une vie du passé», il est bien loin de revendiquer idéologiquement la prééminence du passé sur le présent, il entend au contraire indiquer la nécessité d'un parcours régressif en apparence, alors que l'on veut rompre l'équivoque et la superficialité des consensus, l'arrogance du modernisme et du postmodernisme et donc, en dernière analyse, l'affaiblissement de la conscience critique. S'il est vrai que, selon Hölderlin «celui qui pense le plus profond, vit la vie la plus vivante», il est tout aussi vrai qu'il existe un pathos du défi et du danger, du jeu et de la dialectique qui peut encore nourrir celui qui ne cherche pas dans la désolation du postmodernisme des vérités faibles, mais des vérités fortes.

L'«attraction vers l'énigme» conçue comme «pathos philosophique» [PE, 236] consiste pour Colli, à vivre la vie de la raison comme l'«écume d'une vague expressive plus longue, qui se brise plus violemment, et plus haut sur la falaise» [AN 37]. Cette raison, qui n'est pas indépendante de l'animalité et qui ne doit pas s'en racheter, mais la «dévoile» et l'élève, est ainsi opposée à la raison des modernes, oublieuse de cette animalité primordiale et hypnotisée par le mirage constructiviste qui constitue, pour employer un mot de Colli, «l'obstacle majeur sur la voie du reflux authentique vers la vie naissante» [AN, 64]

C'est justement en nous invitant à penser «la vie profonde» que Colli nous livre son témoignage de «critique de la culture», remodelant le sens d'une raison qui n'a pas tenu compte en soi non seulement des illusions idéalistes et historicistes mais, avec celles-ci, aussi toutes les fautes de l'appropriation et de l'illusion de la possession, les présomptions totalisantes et les figures d'une rationalisation de l'emprise gouvernée par les fétiches épistémologiques du projet. Justement en continuant à penser «le plus loin possible» – depuis l'énigme de la sagesse tragique jusqu'aux traces d'une «folie» entendue encore une fois comme le principe alternatif par excellence – Giorgio Colli – que naturellement la culture académique de notre pays ne pouvait regarder qu'avec défiance et crainte – a laissé une empreinte durable et féconde dans notre conscience critique et autocritique de modernes.

L'amplitude de sa méditation conserve ainsi pour nous, de manière exemplaire, le sens d'une leçon à laquelle nous devons sans cesse revenir, celle d'un maître de l'essai philosophique contemporain.

«L'essai tend à la vérité – écrivait Lukàcs dans son introduction à L'âme et les formes – très exactement. Mais comme Saül, qui était parti chercher les ânes de son père et trouva un royaume, ainsi l'essai qui sait chercher réellement la vérité, rejoindra à la fin de son chemin le but non recherché, la vie.»

 

 

 

2. La sagesse grecque (Adelphi, Milan, 1977), vol. I, trad. franç. Marie-José Tramuta, éditions de l'Eclat, Combas 1990, p. 28.

3. Sagesse Grecque, ibid., et Philosophie de l'expression, (Adelphi, Milano 1969), trad. franç. Marie-José Tramuta, éditions de l'éclat, Combas 1988. p. 216; désormais [PE] dans le texte. Les numéros des pages renvoient à la traduction française.

4. Après Nietzche, (Adelphi, Milano 1974), trad. franç. Pascal Gabellone, éditions de l'éclat, Combas 1987, p. 59. Désormais [AN] dans le texte. Les numéros des pages renvoient à la traduction française.

5. Réédité récemment sous le titre La natura ama nascondersi, a cura di Enrico Colli, Adelphi, Milano 1988. Désormais [PHK] dans le texte; à paraître 1994 aux éditions de l'éclat..