éditions de l'éclat, philosophie

MASSIMO CACCIARI
DRÂN


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Note du traducteur

 

Faut-il préciser que nous avons traduit ici toujours au plus près du texte, conscient pourtant d'en (faire) perdre un ou plusieurs sens, une ou plusieurs voies? La voie qui conduit à la langue de Massimo Cacciari est marquée par de multiples ornières — comme les traces des chars sur le pavé de la Via Domitia. Les mots portent l'empreinte — comme les cicatrices — des successifs passages qui les ont déformés. Ils gardent intacts pourtant, tant le plein du sens actuel, que le vide d'un étymon usé par le frottement des cercles de fer, comme le blanc et le noir de la lettre - tous deux expression de l'enthousiasme de l'encre. Ainsi «décider», par exemple, doit être ici entendu au sens premier de «trancher» (comme l'a déjà noté Marilène Raiola dans ses traductions de Cacciari), et au sens que l'heure lui donne. Il en va de même pour «expliquer», «comprendre», «instant», qui tour à tour peuvent évoquer le «pli», le «prendre» et la «station». Mais que pouvions-nous faire, sinon mettre en garde et signaler quelques pièges? Car ce sont bien des pièges que ces glissements du sens, que cette toujours dépendance du mot. Michelstaedter, dont il sera abondamment question dans ces pages, nous prévient: «Guerre aux mots avec des mots, / comme l'air vif disperse / les voiles de brume, pour que puisse resplendirle soleil / qui par sa seule valeur ne se lève pas», écrit-il en exergue aux Appendices critiques à la Persuasion et la rhétorique — et que Cacciari rappelle ici. Guerre que nous déclarent les mots, dès lors que notre attention s'abandonne. Guerre qu'il faut livrer sans cesse aux «brumes» de la dépendance. Lire comme on va au combat. Dé-terminés.

Alors le texte de Cacciari, de par son insatiable polysémie (presque polyphonie), son recours entêté aux langues étrangères — il n'est de langue à laquelle nous ne soyons, dès lors, étrangers —, son «abus» des guillemets, du tiret qui écartèle les mots, de l'italique, comme autant de panneaux de signalisation, se présente au lecteur comme un prisme au travers duquel l'idée apparaît dans toute son épaisseur, holo-gramatiquement; idée et forme tout à la fois, idée qui se forme: eidos.




Nota Bene

 

Les termes allemands, grecs ou latins ne sont pas, contrairement à l'usage, transcrits systématiquement en italique — l'italique permettant d'«insister». La plupart de ces termes sont traduits dans le corps du texte — mais à défaut, le lecteur pourra, s'il le souhaite, recourir à des dictionnaires, ces Livres entre tous! Cette gymnastique — à laquelle nous nous sommes volontiers pliés pour notre travail de traduction — bien que trop souvent sous-estimée, est au contraire source d'étonnement (qui est, comme on le sait, la philosophie). Les mots grecs ont été retranscrits en lettres latines et ne portent que les accents qui en facilitent la lecture et ne correspondent pas à l'accentuation grecque classique.

Lorsque l'auteur souligne, par l'italique, une expression dans le corps d'une citation, nous l'avons signalé par l'abréviation [n.s.] (nous soulignons).

Pour ce qui concerne les poèmes de Leopardi ou de Hölderlin, nous avons pris le parti, après bien des hésitations, de n'en donner que la traduction française. Le lecteur se reportera, s'il le souhaite, aux textes originaux. La traduction du poème de Hölderlin est celle proposée par Michel Deguy et François Fédier dans leur traduction du commentaire de Heidegger; celle du poème de Leopardi est du traducteur.

Massimo Cacciari a bien voulu relire cette traduction et éclairer ainsi, sur bien des points, notre lanterne. De cette attention, comme du don que constitue l'édition française d'un texte encore inédit en italien, qu'il soit ici vivement remercié.

 

M. V.


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