l'éclat

José Bergamín

Lettre à Maria Zambrano


 Extrait d’une lettre de José Bergamín à María Zambrano, écrite à Paris le 21 janvier 1958 :

Traduit de l’espagnol par Yves Roullière (que nous remercions ici et ailleurs)...



 

 

 Je suis content, très content d’être revenu à la communion de notre Eglise. Et je n’ai et ne ressens de crainte qu’amoureuse - une confiance aveugle en la Miséricorde de Dieu. Je ne sais si je te l’ai raconté, mais lorsque je suis revenu – par cet « en avant » divin –, je me suis tellement avancé que je me suis senti devant ma mort. Et ce jour-là tout fut en moi ténèbres impénétrables. Mais ténèbres non pas angoissantes ni redoutables. Plutôt comme une sorte d’assurance intérieure pour avancer dans cette terrible obscurité que je ressentais… Je suis allé à l’Eucharistie comme à ma mort, en l’éprouvant comme un jugement de Dieu sur moi. Et en l’acceptant pleinement comme tel. Sans douleur ni agonie. Sans joie non plus… Avant que je ne revienne. Et entre-temps, oui, joie, joie aussi infinie que celle de mon enfance. La deuxième fois que je suis revenu, ce fut comme un crépuscule intérieur qui me donna, tout en douceur, une consolation infinie (le jour de l’Assomption, cet été). Et, récemment, le matin de Noël, cette ténébreuse impression première, avec ses ombres – que j’appelle crépusculaires –, s’effaça derrière une lumineuse aurore, si joyeuse, si pure, si indicible, que j’eus alors peur d’autant de joie. Même si toujours, toujours, dès que je m’approche de l’autel, je me sens comme face à face avec ma mort – sans mort (et même sans agonie). Je pressens que cette paix peut être une messagère augurant d’« autres guerres ». Et je demande à Dieu de me soutenir quand elles viendront.

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