NOTES


26. Le temps verbal du futur antérieur a une importance particulière tant dans l'essai sur le déjà vu que dans celui sur le possible. « Le souvenir du présent », p. 110. « Brusquement, tandis qu'on assiste à un spectacle ou qu'on prend part à un entretien, la conviction surgit qu'on a déjà vu ce qu'on voit, déjà entendu ce qu'on entend, déjà prononcé les phrases qu'on prononce […] enfin qu'on revit jusque dans le moindre détail quelques instants de sa vie passée. L'illusion est parfois si complète qu'à tout moment, pendant qu'elle dure, on se croit sur le point de prédire ce qui va arriver : comment ne le saurait-on pas déjà, puisqu'on sent qu'on va l'avoir su ? » (C'est moi qui souligne.) Ibid., p. 138 : « Comment aurions-nous vécu déjà une partie de la situation si nous n'en avions pas vécu le tout ? Reconnaîtrions-nous ce qui se déroule si nous ne connaissions pas ce qui est enroulé ? Ne sommes-nous pas à même, tout au moins d'anticiper, à chaque moment sur le moment suivant ? […] Ainsi je me trouve sans cesse, vis-à-vis de ce qui est sur le point d'arriver, dans l'attitude d'une personne qui reconnaîtra, et qui par conséquent connaît. Comme je ne puis prédire ce qui va arriver, je vois bien que je ne le sais pas ; mais je prévois que je vais l'avoir su, en ce sens que je le reconnaîtrai en l'apercevant […] cette reconnaissance à venir, que je sens inévitable en vertu de l'élan pris tout du long par ma faculté de reconnaître, exerce par avance un effet rétroactif sur mon présent, me plaçant dans l'étrange situation d'une personne qui se sent connaître ce qu'elle se sait ignorer. » (C'est moi qui souligne.) Bergson, en niant que quelque chose soit possible avant d'être devenu réel, conclut : « Je vous accorde, tout au plus, qu'elle l'aura été […] qu'un homme de talent ou génie surgisse, qu'il crée une œuvre : la voilà réelle et par là même elle devient rétrospectivement ou rétroactivement possible. Elle ne le serait pas, elle ne l'aurait pas été, si cet homme n'avait pas surgi. C'est pourquoi je vous dis qu'elle aura été possible aujourd'hui, mais qu'elle ne l'est pas encore. » Sur le futur antérieur comme dimension temporelle de la modalité du possible, je me permets de renvoyer à mon essai paru dans cette même collection : « Les labyrinthes de la langue. Pour une analyse linguistique de la métropole » in Opportunisme, cynisme et peur, trad. fr. M. Valensi, L'éclat, Combas, 1992.