2. critique du texte et volonté de puissance.

 

1. N.d.e. – Ce texte fut publié à plusieurs reprises et souvent modifié à fur et à mesure que le travail de l'édition critique des œuvres et des lettres permettait à Montinari de mieux préciser sa reconstruction. La version que nous en donnons tient compte de toutes les modifications récentes. « Nietzsches Nachlaß von 1885 bis 1888 oder Textkritik und Wille zur Macht », in Jahrbuch der Internationalen Germanistik, série A (Kongreßberichte), vol. 2, cahier 1 (Akten des v Internationales Germanisten-Kongresses. Cambridge 1975) (1976), Bern, Frankfurt a. M. et München 1976, pp. 36-58 ; « Volontà di potenza e critica del testo », in : Prassi e teoria anno v, nuova serie, n° 1 (1979), pp. 45-62 ; « Volontà di potenza e critica del testo », in AA.VV., Nietzsche, Angeli, Milano, 1979, pp. 45-62 ; « Nietzsches Nachlaß von 1885 bis 1888 oder Textkritik und Wille zur Macht », in Jörg Salaquarda (éd.) Nietzsche, Darmstadt 1980, pp. 323-349 ; « Nietzsches Nachlaß 1885-1888 und der “Wille zur Macht” », in F. Nietzsche, Sämtliche Werke. Kritische Studienausgabe édité par Giorgio Colli et Mazzino Montinari, dtv – de Gruyter, München, 1980, vol. 14, pp. 383-400 ; « Volontà di potenza e critica del testo », in M. Montinari, Su Nietzsche, Editori Riuniti, Roma 1981, pp. 47-65 ; « Nietzsches Nachlaß von 1885 bis 1888 oder Textkritik und Wille zur Macht », in M. Montinari, Nietzsche lesen, Walter de Gruyter, Berlin-New York 1982, pp. 92-119. Des extraits figurent dans l'appendice au volume VIII des OPC « Genèse des œuvres » pp. 415-423.

2. N.d.e. – Cf. le fragment 23 [63] de 1876-1877, où l'expression « Wille zur Macht » apparaît pour la première fois, et les fragments 4 [239], 7 [206], 9 [14] de 1880-1881.

3. N.d.e. – Sur la confrontation philosophique de Nietzsche avec Afrikan Spir et Gustav Teichmüller, je me permets de renvoyer à Paolo D'Iorio, « La superstition des philosophes critiques. Nietzsche et Afrikan Spir », Nietzsche-Studien, 22 (1993), pp. 257-257-294.

4. FP 40 [53] Août-septembre 1885 : « Contre le mot “phénomènes [Die Erscheinungen]”. N.B. L'apparence [der Schein] au sens où je l'entends, est la véritable et l'unique réalité des choses – ce à quoi seulement s'appliquent tous les prédicats existants et qui dans une certaine mesure ne saurait être mieux défini que par l'ensemble des prédicats, c'est-à-dire aussi par les prédicats contraires. Or ce mot n'exprime rien d'autre que le fait d'être inaccessible aux procédures et aux distinctions logiques : donc une “apparence” si on le compare à la “vérité logique” – laquelle n'est elle-même possible que dans un monde imaginaire. Je ne pose donc pas l'“apparence” en opposition à la “réalité”, au contraire, je considère que l'apparence c'est la réalité, celle qui résiste à toute transformation en un imaginaire “monde-vrai”. Un nom précis pour cette réalité serait « la volonté de puissance”, ainsi désignée d'après sa structure interne et non à partir de sa nature protéiforme, insaisissable et fluide. » Soulignons une nouvelle fois que nos compilateurs n'ont pas jugé bon non plus d'intégrer ces fragments dans leur pot-pourri.

5. N.d.e. Cf. infra la note 9.

6. N.d.e. – Naturellement l'appareil critique d'Otto Weiss n'a pas été republié dans les éditions successives : ni en 1926, dans la reprise de l'édition canonique dans le cadre de l'édition Musarion (dans laquelle La Volonté de puissance était éditée par Friedrich Würzbach), ni a fortiori dans la nouvelle compilation que Würzbach a préparé en 1935 pour Gallimard.

7. N.d.e. – Il s'agit du cahier W II 5, publié dans l'édition Colli-Montinari comme groupe 14 du printemps 1888.

8. N.d.e. – Dans la description des manuscrits de 1888 (OPC, XVI, p. 425), Montinari revient sur l'importance de ce cahier et sur le manque de fidélité avec lequel il a été publié dans la Großoktavausgabe : « Notons que ces fragments sur la Naissance de la Tragédie (dans lesquels Nietzsche parle de lui-même à la troisième personne) ont été publiés sans soin et sans rigueur (la plupart du temps amputés) en partie dans la prétendue Volonté de puissance, et en partie dans le volume XIV de la Großoktavausgabe, de sorte que leur sens théorétique est absolument perdu. »

9. N.d.e. – Dans son commentaire aux Œuvres complètes, («Genèse des œuvres », OPC, VIII, p. 414 sq.) Montinari observe, à propos de cette deuxième tentative d'organisation du matériau de la “Volonté de puissance”, que « de tout cela, les éditeurs de la Volonté de puissance ne tinrent pas compte dans leur compilation systématique, et Otto Weiss ne jugea pas même utile d'y faire référence dans son édition commentée ». En outre, il insiste sur le fait que Le Cas Wagner ne provenait pas de ce matériau, comme le soutenait la sœur de Nietzsche : « La longue querelle autour de la “principale œuvre philosophique en prose de Nietzsche” n'aurait jamais pu avoir lieu si les œuvres qu'il publia – ou dont il prépara l'édition – à partir de 1886, n'avaient été présentées sous un jour trompeur par les premiers éditeurs du Nietzsche-Archiv. Du simple fait de l'édition objective des manuscrits de Nietzsche, rien ne justifie l'affirmation de la sœur de Nietzsche qui déclare (dans la préface de la deuxième édition “canonique” de La Volonté de puissance en 1906) que “Par-delà bien et mal, ne serait pas autre chose qu'un « morceau de la grande œuvre théorétique que Nietzsche avait eu l'intention d'écrire dès 1883 ». [Également dans la préface à la première édition de La Volonté de puissanceP Elisabeth Förster-Nietzsche écrivait que « cet exposé fera comprendre comment tous les ouvrages de Nietzsche, depuis Par-delà le bien et le mal jusqu'au Crépuscule des idoles, sont plus ou moins en rapport direct avec son œuvre capitale, et comment la Transmutation constitue le fonds général duquel se détachent tous les ouvrages du philosophe, le but vers lequel tendent tous ses efforts ». – (Nous citons l'édition “Sautet” qui a eu le mérite de donner en traduction française et de diffuser en collection de poche les pages fondamentales dans lesquelles Elisabeth fait montre, de manière éclatante, de toute son incompétence philologique.)] Bien qu'avec un peu plus de circonspection, Otto Weiss, dans son commentaire à la reprise de la seconde édition canonique dans le cadre de la Großoktavausgabe (1911), exprime le même point de vue lorsqu'il écrit que tous les écrits de 1888 “se détachèrent successivement” de l'édifice principal d'une œuvre systématique, La Volonté de puissance. En somme, pour l'ex-Nietzsche-Archiv, à partir de 1886, Nietzsche aurait peu à peu vidé son trésor de pensées par des publications partielles successives. C'est également le point de vue d'un des critiques les plus attentifs de l'ex-Nietzsche-Archiv, August Horneffer, pour lequel (1906) Nietzsche – n'étant pas capable d'accomplir une synthèse philosophique – se serait laissé gagner par le démon de l'impatience et aurait publié (ou préparé pour la publication) entre 1886 et 1888, au moins sept ouvrages, au lieu de se consacrer à l'élaboration de son œuvre “systématique”. C'est une manière plate, superficielle et aprioriste de considérer l'activité littéraire de Nietzsche. Plate, parce que la richesse de ce que Nietzsche a laissé dans ses manuscrits est masquée et annulée dans un soi-disant magma chaotique de pensées fragmentaires ; superficielle, parce qu'elle part du singulier principe selon lequel ladite synthèse systématique n'était pas possible pour une “nature” aphoristique telle que Nietzsche ; aprioriste, parce qu'elle prête à Nietzsche l'intention continue d'écrire une soi-disant œuvre principale, pour lui reprocher ensuite les différentes distractions et “impatiences” qui l'en auraient dissuadé. Même la conclusion d'Horneffer – reprise par son frère Ernst en 1907 dans sa polémique avec Peter Gast et Elisabeth Förster-Nietzsche, après la nouvelle édition de La Volonté de puissance – est faussée par de tels présupposés, quand bien même exprime-t-elle une exigence juste en soi. Pour August et Ernst Horneffer, en effet, la seule manière possible de publier les manuscrits consiste à renoncer à tout ordre systématique et à les reproduire tels que Nietzsche nous les a laissés ; toutefois, le lecteur se trouverait ainsi en présence d'un “chaos”. Et c'est ce préjudice du “chaos”, ce désir de démontrer que Nietzsche n'était pas une nature “aphoristique”, la manière préconçue de comprendre un “système”, qui poussèrent les éditeurs de La Volonté de puissance à la compilation selon les “intentions” de Nietzsche. Une fois encore – comme sur toutes les autres questions débattues à cette époque –, “amis” et“ennemis” de l'ex-Nietzsche-Archiv acceptaient en réalité des prémisses identiques, dans ce cas le préjudice sur la systématicité. Les manuscrits de Nietzsche, par contre, parlent un tout autre langage, tout à fait clair, même pour ce qui concerne la manière dont doivent être considérées les œuvres de 1888 : ils nous racontent leur naissance » OFN, VI***, pp. 462-463.

10. N.d.e. – Nietzsche séjourna pour la première fois à Turin du 5 avril au 5 juin 1888.

11. N.d.e. – «… Comme, par exemple, ce qui deviendra ensuite le chapitre « Le problème Socrate » dans Le Crépuscule des idoles, ou encore la transcription au propre des notes sur La Naissance de la tragédie, dont il ne nous reste plus que le fragment 17 [3], ou encore le fragment 17 [4] “Pour l'histoire du concept de Dieu” utilisé plus tard, avec des modifications, dans L'Antéchrist » (M. Montinari, « Les manuscrits de Nietzsche » in OPC, XIV, p. 426).

12. N.d.e. – Il s'agit du septième séjour à Sils-Maria. Nietzsche y resta du 6 juin au 20 septembre 1888.

13. N.d.t. – « Le reste est ... œuvre posthume !» À la fin du dernier chapitre de son premier grand livre sur la pensée des Sages de la Grèce (Nature aime se cacher (1948) tr. fr. P. Farazzi, L'éclat, Combas, 1994, p. 318), Giorgio Colli, reprenait cette formule d'Hamlet, à propos de ce qui devait succéder au platonisme : « L'athanasia [immortalité] du Banquet a été un songe fugitif. Il [Platon] n'a pu s'exprimer dans l'apparence de manière apollinienne, comme ses prédécesseurs: la fin n'est pas sereine. The rest is silence ». Ce final de Montinari serait-il un clin d'œil à l'ami et au maître ? C'est ce que nous nous plaisons à imaginer, voulant également suggérer qu'avec Nietzsche, comme avec Platon, « un autre monde s'éteint ».

14. N.d.t. Cf. infra la note 13 du chapitre 4.