NOTES


1. Peut-être s'agit-il d'un disciple de Mahomet, Abdallah fils de Salam, commentateur d'un livre attribué au prophète Daniel.

2. Hermès Trismégiste, Asclepius, 6 et 23, Corpus Hermeticum, t. II, Paris, Belles Lettres, 1945, p. 301. Des textes attribués à Hermès ont été diffusés très tôt en milieu musulman, ce qui peut expliquer le «plein accord» entre «Mercure» et le «Sarrasin Abdallah» (cf. Présence de l'hermétisme, «Cahiers de l'Hermétisme», Paris, 1988). Chez les Latins, qui n'ont longtemps connu que l'Asclepius (ce nom désignant un disciple d'Hermès), le Corpus hermeticum a été redécouvert en 1460; Ficin en entreprit la traduction deux ans plus tard.

3. Possible allusion aux Oracles chaldaïques, 44 (Paris, Belles Lettres, 1971, rééd. 1989, p. 78). Attribués au perse Zoroastre et à son école, mais composés peut-être au IIe siècle ap. J.-C., les Oracles chaldaïques - auxquels Pico fait de si nombreuses références - ont été rassemblés au XIe siècle par le néoplatonicien Michel Psellos; Gémiste Pléthon en apporta un manuscrit en Italie, à l'occasion du concile de Ferrare. Une traduction partielle a été donnée par Marsile Ficin, puis une édition de Zoroaster et eius 320 oracula chaldaica par Franciscus Patricius en 1591.

4. Psaume 8, 6: «A peine le fis-tu moindre qu'un dieu» (trad. de l'Ecole biblique de Jérusalem, qui commente: «L'auteur pense aux êtres mystérieux qui forment la cour de Yahvé, les «anges» du grec et de la Vulgate »).

5. Genèse, 1, 25-29.

6. Timée de Locres, pythagoricien du Ve siècle, auteur d'un traité Sur l'âme du monde (cf. 99 d); Pico peut faire aussi référence au discours du Démiurge dans leTimée de Platon (41 b : «D'espèces mortelles, il en reste encore trois qui n'ont pas reçu la naissance; or, si elles ne viennent à l'existence, le Ciel sera incomplet...»).

7. Satires, VI, 22 (Paris, Belles Lettres, 1978).

8. Jamblique, Vie pythagoricienne, 230-233.

9. L'homme-caméléon, associé plus loin à l'homme-Protée, se retrouve en 1517 chez Caelius Rhodiginus, Lectiones antiquae, I, 39. Sur la mutabilité de l'homme, voir aussi Marsile Ficin,Théologie platonicienne, trad. fr., Paris, 1964, II, p. 256 sqq.

10. Le patriarche Hénoch (ou Enoch), père de Mathusalem (Genèse, 5, 21-23), est devenu à partir du IIe siècle av. J.-C. une grande figure du judaïsme; on lui a attribué des livres apocalyptiques. Dans la kabbale, à laquelle Pico se réfère ici, il est identifié, après son assomption, à «l'ange de la Shekhinah», et signifie l'omniprésence divine dans le monde. Moshé Idel (Maïmonide et la mystique juive, tr.fr. C.Mopsik, Le Cerf, Paris 1991, pp.89, 50-51) insiste sur le fait que cette transformation d'Hénoch en «ange de Dieu» dans l'Oratio, n'est pas sans évoquer la kabbale d'Abraham Aboulafia (1240-1292) dont les oeuvres furent traduites en latin et en italien, et qui devint, comme l'a montré H. Wirszubski (A christian Kabbalist reads the Law, Jérusalem, 1977 p. 23, 30-31, 38, cité par Idel), l'une des pierres angulaires de la kabbale de Pico.

11. Rien ne semble attester ce propos d'Empédocle ; voir toutefois les fragments B 117 et B 127 Diels (Les Présocratiques, trad. fr., Paris, 1988).

12. Cf. par exemple la sourate II du Coran, verset 61.

13. Allusion au chant V de l'Odyssée.

14. Ainsi lit-on dans la Genèse, 6, 12: « La fin de toute chair est arrivée »; dans Nombres, 27, 16: «Yahvé, Dieu des esprits qui animent toute chair».

15. On attribue à Asaph les Psaumes 50 et 73-83; référence est faite ici au Psaume 82 (81), 6.

16. Allusion à l'astrologie, que Pico combattra avec force dans ses Disputationes.

17. Reprise du Pseudo-Denys l'Aréopagite (De la hiérarchie céleste, 7), cette triade marque ici, allégoriquement, trois étapes d'un ascensus vers le divin qui n'est pas celui de la mystique.

18. Genèse, 1, 2.

19. Dans le discours que Dieu tient à Job (38,7-8), ce ne sont pas les eaux de la mer, mais les étoiles qui le louent en un « concert joyeux ».

20. «Comment t'invoquer sans te connaître?» demande Augustin à la première page des Confessions.

21. Cf. Macrobe, Commentaire du Songe de Scipion, I, VI, 11, 54-55.

22. Possible allusion à l'Epître aux Romains, 8,5: «Ceux qui vivent selon la chair désirent ce qui est charnel; ceux qui vivent selon l'esprit, ce qui est spirituel».

23. De fait, saint Paul est fort peu loquace sur son ravissement au paradis: « Il entendit des paroles ineffables, qu'il n'est pas permis à l'homme de redire » (II Cor., 12,2).

24. Ps-Denys l'Aréopagite, De la hiérarchie céleste, 165a-168a, 208a-209c ; Noms divins, 705 a.

25. « Jacob quitta Bersabée et partit pour Harân. Il arriva d'aventure en un certain lieu et il y passa la nuit, car le soleil s'était couché. Il prit une des pierres du lieu, la mit sous sa tête et dormit en ce lieu. Il eut un songe : voilà qu'une échelle était plantée en terre et que son sommet atteignait le ciel et des anges de Dieu y montaient et descendaient!» (Genèse, 28, 10-12). Ce texte a donné lieu à d'innombrables interprétations, chez les Pères de l'Eglise comme dans la kabbale.

26. Citation d'Asclepius, 12 : « Le plaisir, comme on dit, prend l'âme au collet, pour que l'homme s'attache à cette partie de lui par laquelle il est mortel» (cit., p. 311).

27. Comme celui de Dionysos par les Titans, dans une perspective néo-platonicienne, le dépècement d'Osiris par Seth véhicule un enseignement philosophique. Apollon représente la force unificatrice qui l'emporte sur la puissance de dispersion.
28. Rien de tel dans le texte biblique: loin de conclure une alliance, Job a subi une épreuve, et la restauration finale de sa fortune n'est nullement l'effet d'un pacte. Selon P.-M. Cordier, peut-être y a-t-il dans le texte de Pico «la trace d'une légende contenue dans le Midrash et à laquelle font écho des auteurs médiévaux» (op. cit., p. 189).

29. « C'est un souverain redoutable, Celui qui fait régner la paix dans ses hauteurs » (Job , 25, 2).

30. Empédocle, fragment B115 Diels (Les Présocratiques, cit., p. 421).

31. Allusion à la coutume romaine de sacrifier deux porcs lors de la conclusion d'un traité de paix.

32. Héraclite, fragment B 53 Diels, ou 14 [A 19] Colli (La sagesse grecque, cit., t. III, p. 35).

33. Iliade, XVIII, 107.

34. Cf. Matthieu, 11, 28 : «Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi je vous soulagerai».

35. «A ce qu'assurent les doctes [pythagoriciens], le ciel et la terre, les Dieux et les hommes sont liés entre eux par une communauté, faite d'amitié et de bon arrangement...» (Platon, Gorgias, 508a).

36. Reprise de la citation de Jamblique, Vie pythagoricienne, 230-233.

37. Notamment Platon, Phédon, 67d.

38. Selon la kabbale, que Pico évoquera nommément plus loin, Moïse n'a pas atteint à la pleine compréhension de la doctrine secrète révélée par Dieu.

39. Tout ce passage fait allusion aux ordres que Yahvé donne à Moïse pour la construction du temple (Exode, 25-26).

40. Dans les mystères d'Eleusis, l'epopteia marque le plus haut degré de l'initiation (cf. Giorgio Colli, La sagesse grecque, vol.I, cit. p. 19).

41. Phèdre, 244a - 245b, 265 ab.

42. Représentant la possession, l'activité contemplative et l'ivresse assimilée à l'extase, Bacchus a remplacé Apollon en tant que «guide des Muses»; cf. aussi les Conclusiones 23-24 sur les hymnes orphiques («Non inebriabitur per aliquem Bacchum, qui suae Musae prius copulatus non fuerit). Comme le soulignera Nietzsche, l'instinct dionysiaque est aussi un instinct esthétique.

43. Ammonios (dit l'Egyptien), philosophe platonicien du ier siècle, qui fut à Athènes le maître de Plutarque; voir, de ce dernier, le dialogue Sur l'E de Delphes.

44. En citant ainsi l'Evangile selon saint Jean, 1, 9, Pico semble identifier le «véritable Apollon» au Christ.

45. «Rien de trop», «connais-toi toi-même» et «tu es» sont les trois sentences inscrites sur le temple d'Apollon Pythien à Delphes.

46. Cf. Platon, Alcibiade, 129 a : « Est-ce justement chose facile de se connaître soi-même? et était-ce un pauvre sire, celui qui a été consacrer cette maxime au sanctuaire d'Apollon Pythien?».

47. Citation inexacte d'Alcibiade, 132c (ou 131a : «Connaître telle ou telle des parties de son corps ... ce n'est pas se connaître soi-même»).

48. Pythagore passait pour l'inventeur du mot philosophe. En tant qu'«ami de la sagesse», il était à sa recherche et ne la possédait pas.

49. Porphyre, Vie de Pythagore, 42: «Ne pas s'asseoir sur un boisseau, pour 'ne pas vivre oisif'».

50. Voir les conseils d'Hésiode dans Les Travaux et les jours, v. 727; et surtout Ficin, Commentariolus in symbola pythagorica (Suppl. Ficin. II, 100), où la miction est interprétée comme une purgation et la coupe des ongles comme une ablation de l'orgueil.

51. Plus encore que Ficin (De sole), Pico a le culte du soleil, qu'il assimile d'ordinaire à l'activité intellective.

52. Selon Ficin encore, le coq signifie ésotériquement la faculté de connaître les choses divines; annonçant le jour, il est doté d'un pouvoir de prévision.

53. «Qui a mis dans l'ibis la sagesse, qui a donné au coq l'intelligence?» demande Yahvé à Job (38, 36).

54. Platon, Phédon, 118a.

55. Probable allusion aux Oracles chaldaïques, cit., 96, 97, 113.

56. Dans le récit de la Genèse , 2, 10-14, les quatre bras du fleuve d'Eden sont le Pishôn, le Gihôn, le Tigre et l'Euphrate.

57. Psaume 55 (54), 18: «Le soir et le matin et à midi/ Je me plains et frémis».

58. De Genesi ad litteram, IV, 28-30 et 47.

59. Dans le texte de la Genèse, 12-13, c'est dans le pays de Canaan qu'Abraham bâtit un autel à Yahvé, et c'est pour y retourner qu'il quitte l'Egypte.

60. Jérémie, 9, 20: «La mort a grimpé par nos fenêtres».

61. Allusion au discours de Raphaël, dans Tobit, 12, 14: «Dieu m'envoya en même temps pour te guérir, ainsi que ta belle-fille Sarra».

62. Le collège des cardinaux, auxquels Pico souhaitait présenter son oeuvre en même temps qu'aux savants laïcs.

63. Rappelons qu'en « limitant » à 899 ses Conclusiones, Pico n'a pas eu la prétention d'atteindre le nombre qui, selon les kabbalistes, symbolise la nature rationnelle.

64. Selon le Talmud, le sage est pareil au fer, que le frottement affile.

65. Considéré comme un «bon aspect», le trigone est un angle de cent vingt degrés que forment les planètes entre elles. - Pico a vigoureusement critiqué, par ailleurs (dans les Disputationes), la fausse conception de la causalité que se font les astrologues. Pour une étude précise de cette question controversée, cf. F. Roulier, op. cit., pp. 294-315

66. Allusion au discours d'Elihu dans Job, 32, 8: «C'est un souffle dans l'homme, c'est l'inspiration de Shaddaï qui rend intelligent».

67. Citation de la première Epître de saint Paul à Timothée, 4, 12.

68. Properce, Elégies, II, 10, 5-6.

69. Le sophiste Gorgias (v. 487- v. 380 av. J.-C.) improvisait des conférences sur des sujets proposés par le public.

70. Vers le milieu du XVe siècle, les lointains disciples de saint Thomas ne faisaient fructifier qu'une petite partie de l'héritage théologico-philosophique du maître. Quant au scotisme, particulièrement en honneur à cette époque chez les franciscains de Padoue, il insistait surtout sur la théologie de l'amour et tendait à négliger d'autres recherches spéculatives.

71. Citation approximative d'Horace, Epîtres, I, I, v. 15.

72. Jean Duns Scot, (1266-1308), philosophe et théologien écossais, auteur d'un commentaire du Livre des sentences de Pierre Lombard et d'un Traité du principe de toutes choses.

73. Egide Romain ou Gilles de Rome, archevêque de Bourges, mort en 1316. On lui doit notamment des commentaires d'Aristote, de Porphyre et de Pierre Lombard.

74. Le franciscain François de Meyronnes, de l'école scotiste, réputé pour la subtilité de ses distinctions.

75. «Ample et imposante» en effet, l'oeuvre de saint Albert le Grand (1193-1280) comprend 38 volumes dans l'édition parisienne de 1890-1899. Au doctor universalis, qui a systématisé la philosophie d'Aristote et de ses commentateurs arabes dans une perspective chrétienne, Pic a notamment emprunté la formulation de l'inchoatio formae (la matière ne reçoit pas forme «de l'extérieur», mais la génère en son sein). D'autre part, dans ses Disputationes , il a critiqué l'attribution à Albert le Grand de deux livres de magie.

76. Henri de Gand (v.1217-1293), théologien et logicien, commentateur de la Métaphysique et de la Physique d'Aristote, auteur des Quodlibeta, d'une Summa quaestionum ordinarium et des Syncategoremata (mais ce dernier ouvrage n'était pas connu au xve siècle). A ce néo-augustinien, qu'on avait surnommé «le docteur solennel», Pico doit notamment la thèse selon laquelle Dieu ne pouvait s'incarner que dans une nature rationnelle.

77. «Ferme et inébranlable», Averroès (Ibn Rushd, 1126-1198) le fut surtout dans son affirmation d'une différence-complémentarité entre la raison et la foi; pour ce sévère critique d'Avicenne, c'est la physique d'Aristote qui, avec la théorie de la preuve démonstrative, fournit au savoir humain une base solide. L'homme ne peut abstraire les universaux que de son expérience sensible; à la différence des Idées platoniciennes, ils n'ont pas d'existence en soi. - Sur les rapports entre Pico et la doctrine averroïste (qu'il avait étudiée à Padoue), les commentateurs de notre siècle demeurent très partagés; si certains, tels Garin et Cassirer, ont été tentés de rapprocher la concorde des doctrines selon Pico de la théorie averroïste de l'intellect unique et agent, la plupart minimisent le rôle du philosophe-médecin de Cordoue dans l'élaboration de la pensée piccienne, surtout après 1486. Voir à ce sujet F. Roulier, op. cit., en particulier les pages 401-412.

78. Ibn Bâjja, dit Avempace chez les Latins, philosophe et médecin né à Saragosse à la fin du xie siècle, mort à Fez en 1138. Commentateur d'Aristote, auteur (entre autres nombreux ouvrages) d'un Traité de l'âme, d'une Epître de la conjonction de l'intellect avec l'homme et du Régime du solitaire où sont présentés de manière systématique les rapports de l'homme au monde et décrites trois étapes de la connaissance. Au premier degré, seule est saisie l'intelligibilité des formes matérielles; au niveau de la connaissance spéculative sont émis des jugements universels; au troisième niveau, enfin, les bienheureux voient la chose en elle-même, par intellection immédiate.

79. Al-Fârâbi, dit le «second Maître» (Aristote étant le premier), né vers 870, mort à Damas en 950; commentateur du Stagirite (qu'il a tenté de concilier avec Platon et Plotin), auteur notamment d'un traité Sur l'obtention du bonheur, d'un Traité sur l'Un et l'unité et d'une Epître sur l'Intellect qui ont grandement influencé Avicenne et Avempace. Pico possédait une traduction latine de ses Commentaire des Premiers Analytiques, dont les Conclusiones offrent un résumé.

80. La «divinité» de la philosophie d'Avicenne (Ibn Sînâ, 980-1037) tient sans doute au fait que, dans l'ordre des connaissances humaines, elle place la métaphysique avant la physique; étroitement liée à la religion, elle débouche sur une mystique, dans la mesure notamment où elle semble identifier l'intellect agent à Dieu. - Pico se réclame d'Avicenne, en même temps que de Platon et des néoplatoniciens, chaque fois qu'il décrit la connaissance intuitive dont sont capables les contemplatifs: se dépouillant du sensible, leur âme appréhende le principe divin à la manière des anges.

81. Néoplatonicien grec du VIe siècle, élève d'Ammonios à Alexandrie et de Damascius à Athènes, commentateur d'Aristote souvent cité par Thomas d'Aquin et très respecté à la Renaissance comme au Moyen Age. Pico, qui possédait un exemplaire de son commentaire du Traité de l'âme, lui consacre neuf thèses dans les Conclusiones.

82. Philosophe et homme politique du IVe siècle, mort vers 388 à Constantinople, auteur notamment de Paraphrases sur Aristote. Pico a dû lire, en particulier, son commentaire du Traité de l'âme (d'où Averroès et Thomas d'Aquin avaient tiré des conclusions opposées), traduit par Ermolao Barbaro en 1481.

83. L'exégèse d'Aristote par Alexandre d'Aphrodise (IIe-IIIe siècle) a longtemps servi de modèle aux commentateurs du Stagirite: si Pico la qualifie de «savante et bien ordonnée», c'est que, pour la première fois sans doute, elle s'appuie sur un travail de philologue et offre un commentaire systématique. Alexandre est aussi l'auteur d'un traité De l'âme et d'un traité Du destin, auquel Pico s'est référé plus tard pour condamner l'astrologie (en soulignant au passage, contrairement à Ficin, qu'Alexandre tenait l'âme pour immortelle).

84. Théophraste (v. 372-285 av. J.-C.): l'auteur supposé des Caractères (publiés par Daniel Heinsius en 1613 seulement), disciple orthodoxe d'Aristote et son successeur à la tête du Lycée, où il s'occupa en particulier des «sciences naturelles» (Histoire des plantes, Causes des plantes).

85. Il ne s'agit plus cette fois d'Ammonios l'Egyptien (cf. la note 45), mais d'Ammonios fils d'Hermias (435/45-517/26), disciple de Proclus. Rangé ici parmi les commentateurs grecs d'Aristote, il eût pu se trouver mentionné aussi dans la phrase suivante, en tant que néoplatonicien (membre de l'école d'Alexandrie) et commentateur de Porphyre.

86. Porphyre (233-300 environ), l'élève de Longin et de Plotin dont il a publié les Ennéades, écrivit une soixantaine d'ouvrages qui pour la plupart sont perdus; il portait intérêt à des domaines aussi variés que la métaphysique et la grammaire, l'astrologie et la logique, les mathématiques et la morale. Même diversité, comme le souligne Pico, dans le sentiment religieux qui parcourt sa philosophie: obsédée par le salut de l'âme, empruntant tour à tour au néoplatonisme et au néopythagorisme, elle s'exprime dans des ouvrages aussi difficilement conciliables en apparence que les Images des dieux, le traité De l'abstinence, la Philosophie des oracles, le commentaire biblique Contre les chrétiens.

87. Plutôt qu'à la Vie pythagoricienne ou au Protreptique de Jamblique (250-325 environ), Pico fait ici allusion à son traité Des mystères (paraphrasé par Ficin), qui appela l'attention sur les Oracles chaldaïques et sur la théurgie (c'est-à-dire sur l'évocation des êtres supérieurs, dieux ou démons).

88. En une seule phrase, Pico fait allusion à la théorie plotinienne des trois Hypostases divines - l'Un, l'Intelligence et l'Ame -, au style constamment métaphorique des Ennéades et aux difficultés que peut soulever, pour le platonisme strict, une philosophie qui s'écarte de la pensée du maître en niant, notamment, la transcendance des Idées par rapport à l'intelligence (peut-être n'est-ce pas sans malice, du reste, qu'à la fin de sa phrase Pico emploie le verbe intelligere). Sous l'éloge de Plotin est perceptible une critique, qui ira en s'accentuant : moins proche en définitive des néoplatoniciens que de Platon, Pico a tenté - selon l'expression de son neveu - de le «libérer des voiles des mythes et des spéculations mathématiques».

89. L'auteur des Eléments de théologie et de la Théologie platonicienne était né à Byzance (en 412) et avait étudié à Alexandrie avant de s'installer à Athènes. Son «exubérance asiatique» s'est traduite tant dans un style métaphorique, «inspiré» et suggestif que dans une pratique religieuse: Proclus avait du respect pour les rites orientaux et du goût pour les mythes initiatiques. La série des Conclusiones tirées de Proclus est particulièrement abondante.

90. Du dernier grand néoplatonicien de l'école d'Athènes (fermée par Justinien en 529), Pico n'avait sans doute qu'une connaissance indirecte et partielle, à travers la Vie d'Isidore et quelques commentaires d'Aristote et Platon. Le Traité des Premiers Principes et le Commentaire sur le Parménide n'ont été imprimés qu'au XIXe siècle.

91. Olympiodore (VIe siècle), auteur d'une Vie et de commentaires de Platon, a soutenu que Dieu est distinct de l'Être; thèse critiquée par saint Thomas, que Pico devait suivre sur ce point comme sur bien d'autres.

92. VIIe Lettre, 341d : «Soudainement, comme s'allume une lumière lorsque bondit la flamme, ce savoir se produit dans l'âme...»; et 344b : «C'est grâce à un frottement incessant... que viendra briller la lumière de la sagesse et de l'intelligence».

93. Voir par exemple le Contra Academicos (II, 2) et surtout le chapitre 5 du livre VII des Confessions.

94. Lettres, 33, 7.

95. Considérée au milieu du xve siècle (grâce à Pléthon, puis à Ficin principalement) comme une révélation essentielle, la prisca theologia était censée exposer allégoriquement une sagesse secrète, commune aux orientaux (Zoroastre, l'égyptien Hermès Trismégiste...) et aux Grecs antérieurs à Platon (Orphée, Pythagore...). Le corpus comprend essentiellement les Oracles chaldaïques , les livres attribués à Orphée, notamment les Hymnes orphiques traduits par Ficin dès 1462, l'Asclepius et le Pimandre attribués au Trismégiste (Ficin ayant traduit ce dernier ouvrage et lui ayant donné son titre), ainsi que les vers de Pythagore.

96. Boèce (mort en 524), le grand médiateur entre les écoles grecques et latines, longtemps célèbre non seulement pour son admirable Consolation de la Philosophie, mais aussi pour ses travaux sur la musique, la logique et l'arithmétique, avait en effet espéré traduire tout Platon et tout Aristote, avant de les concilier par des commentaires (cf. celui qu'il a donné du traité aristotélicien De l'interprétation, II, 3).

97. Simplicius a notamment exposé son «programme» de conciliation dans le commentaire des Catégories.

98. III, 19 (Patrologia latina XXXII, 956).

99. Jean Philopon, philosophe, mathématicien et grammairien alexandrin du VIe siècle, disciple d'Ammonios; c'est dans une perspective chrétienne qu'il a interprété Platon et surtout Aristote (dont il critique en particulier la Physique).

100. Considéré par nombre d'humanistes comme un disciple de Moïse et d'Orphée, Pythagore devait surtout sa qualité de «théologien» aux Vers dorés, qu'on lui attribuait, et que Ficin a traduits.

101. Aglaophemos avait initié Pythagore aux mystères orphiques, selon Proclus et Jamblique.

102. Mathématicien et philosophe pythagoricien, né vers 470 av. J.-C. à Crotone; les doxographes lui attribuent des ouvrages sur les nombres et le système du monde (dont la Terre, selon lui, n'occupe pas le centre).

103. Proclus, Commentaire sur le Timée, V; Théologie plat., I, 6.

104. Epinomis, 976c - 977c.

105. Problèmes, XX, 6, 955.

106. Abumasar (Abû Ma'shar, mort vers 885), auteur d'une «Introduction à l'astrologie» (Introductorium) traduite «du persan au latin» par Zaparifendulus, ainsi que d'un «Traité sur les grandes conjonctions» (De magnis conjunctionibus) et des «Fleurs d'astrologie» (Flores astrologiae) traduits au XIIIe siècle par Jean de Séville. Disciple d'al-Kindî, il a répandu la théorie selon laquelle chaque «grande conjonction» inaugure, tous les 960 ans, une nouvelle ère historique.

107. Cette distinction (qui, du reste, n'est pas tout à fait celle que propose Ficin dans son Apologia, in Opera, p. 573), n'a pas empêché les censeurs romains d'accuser Pico de magie. - Sur cette magie «scientifique», comme sur ses rapports à la prisca theologia et à la kabbale, voir notamment H. de Lubac, Pic de la Mirandole, Paris, 1974; F. Roulier, op. cit., pp. 462-476.

108. Porphyre, De l'abstinence, IV, 16. - Sur la (difficile) conciliation du néo-platonisme et de la magie, voir R. Klibansky, E. Panofsky et F. Saxl, Saturne et la mélancolie, tr. fr., Gallimard, Paris, 1989, p. 417 sqq.

109. Cette phrase et la suivante sont des citations de Pline, Histoire naturelle, XXX, 1.

110. Zalmoxis (Xalmoxide, Zalmoxis): législateur légendaire de la Thrace, considéré comme un dieu et comme le maître (ou l'esclave) de Pythagore.

111. Cet Abbaris (ou Abaris) est mentionné par Origène, Stromata, I, 21. Cf. aussi Colli, La Sagesse grecque, vol. I, op. cit., pp. 45-46, 325 sqq.

112. « Oromase »: Ahura-Mazdâh, le dieu de la religion de Zoroastre.

113. Premier Alcibiade, 121-122: «La science des mages, la science de Zoroastre, fils d'Oromase, c'est-à-dire le culte des dieux, et aussi la science royale».

114. Charmide, 156d - 157b.

115. Charondas : disciple de Pythagore. - Damigéron: disciple d'Hostanès. - Apollonius de Tyane : le «grand initié» (Ier siècle) qui alliait au néopythagorisme un culte oriental du Soleil. «Au sujet des mages, Apollonios a dit tout ce qu'il fallait, comment il les fréquenta, apprit d'eux certaines choses, leur en enseigna d'autres...» ( Philostrate, Vie d'Apollonios de Tyane, trad. Grimal, Paris 1958). - Dardanus est mentionné par Apulée.

116. Pico n'a pu réaliser ce projet de Poetica theologia, mais il a toujours prêté une attention particulière aux allégories des poètes, anciens ou modernes. La lecture d'Homère dans une perspective allégorique remonte au moins à Théagène de Rhegium (VIe siècle av. J.-C.).

117. Eudoxe de Cnide (vers 408-355), astronome, mathématicien, philosophe et médecin lié à Platon, qui l'a peut-être mis en scène sous le nom de Philèbe dans le dialogue qui porte ce titre. C'est sans doute sur la foi de Pline - cf. la note 107 - que Pico le compte parmi les mages, ainsi qu'Hermippe de Smyrne (IIe siècle av. J.-C.), auteur de Vies des philosophes (parmi lesquels Pythagore).

118. Al-Kindî (mort à Bagdad vers 873), commentateur d'Aristote et auteur, entre autres innombrables ouvrages, d'un traité de magie spirituelle sur les radiations stellaires (traduit en latin au XIIIe siècle, sous le titre De radiis); comme le Picatrix, ce texte a fortement marqué la pensée de Ficin (cf. I. P. Couliano, Eros et magie à la Renaissance, Paris, 1984, pp. 164-175). - Grand admirateur d'al-Kindî, Roger Bacon (1214-1294 environ) a repris et développé la théorie des «grandes conjonctions»; dans son Opus majus, d'autre part, il expose les principes d'une magie naturelle, utilisant les forces stellaires présentes dans notre monde. - Le théologien anti-aristotélicien Guillaume de Paris (ou Guillaume d'Auvergne, évêque de Paris, mort en 1249) est notamment l'auteur des traités De universo et De daemonibus.

119. Plotin, Ennéades, IV, IV, 42-43. L'anecdote qui suit est tirée de la Vie de Plotin par Porphyre.

120. Le terme grec que Pico traduit par ici parconsensus, et ailleurs par symphonia ou concordia, désigne, d'une manière générale, la communauté des sentiments; au sens musical, l'unisson; pour les stoïciens plus particulièrement, le rapport qui unit des choses entre elles (cf. Plutarque, Oeuvres morales, 906e).

121. Au sens étroit, le mot désigne un oiseau qu'on attachait sur un rouet, dans la magie amoureuse, pour ramener les infidèles; il a pris le sens plus large de «sortilège». La Vie d'Apollonios de Tyane (cit., I, 25) signale quatre iynges dans un palais de Babylone que visite le héros. - Sur l'attitude de Pico à l'égard de la magie, voir également I. P. Couliano, cit., p. 83-90.

122. Allusion à Isaïe, 6, 3.

123. IVe livre d'Esdras (apocryphe chrétien), 14, 45-47; Hilaire, in Patrologia latina 9, 262cd- 263a; Origène, In Evang. Joannis, XIX, 2. Dans tout ce passage, Pico force un peu les textes, qui se bornent à mentionner des traditions juives.

124. Saint Paul, I Cor., 2, 6 : «C'est bien de sagesse que nous parlons parmi les parfaits, mais non d'une sagesse de ce monde...» (passage abondamment commenté dans le Traité des Principes d'Origène, III, 3).

125. Platon, Lettres, II, 312d. Ficin, en particulier, s'est beaucoup intéressé au mysterium in epistola ad Dionysium regem (cf. E. Wind, Mystères païens de la Renaissance, trad. fr., Paris, 1992, p. 263).

126. La kabbale - «tradition», en hébreu - est souvent présentée par Pic comme une lex de ore nata : révélation divine transmise par voie orale, puis transcrite au temps d'Esdras, elle lui apparaît ici comme un moyen d'interpréter la loi mosaïque, ou plus généralement comme une expression symbolique particulière de la parole de Dieu. Aussi peut-elle s'intégrer à la philosophia perennis, dans la mesure où elle confirme les «théologies primitives» dont elle n'est cependant pas issue (cf. F. Roulier, op. cit., pp. 141-155). Mais de cette kabbale révélée, dont il n'est pas sûr que Pico l'interprète toujours dans un sens chrétien, il faut parfois distinguer la kabbale «scientifique», qui ne s'applique pas aux livres sacrés mais à la nature, et qui représente le niveau le plus élevé de la magie naturelle (cf. W. G. Craven, Giovanni Pico della Mirandola. Symbol of his Age, Genève, 1981, chap. VI). - Les Conclusiones présentent 119 thèses kabbalistes; sur cette question, voir aussi la lettre adressée en 1486 par Pico à un ami inconnu (Opera, Bâle, 1572, p. 384), le Commento sopra una canzona d'amore et l'Apologia.

127. L'édit de Cyrus autorisant le retour des Juifs à Jérusalem date de 538 av. J.-C.; l'achèvement des travaux de reconstruction du Temple, interrompus par l'opposition des Samaritains, de 515. Zorobabel, gouverneur sous Darius, a souvent été confondu avec Sheshbaççar, prince de Juda, nommé gouverneur par Cyrus.

128. Pico ne cite pas les textes bibliques (Esdras et Néhémie), mais l'apocryphe IVe livre d'Esdras, 14, 45-47.

* Les éditeurs veulent lire cette célèbre déclaration de Pico dans la perspective d'un grand 'art d'écrire' (tel qu'il a pu être analysé par Leo Strauss [cf.La persécution et l'art d'écrire, tr.fr.O.Sedeyn, Agora, Paris 1988]). Si l'on en juge par les réactions des institutions ecclésiastiques à la publication des thèses de Pico, on peut sans difficulté imaginer ce qu'il aurait pu encourir s'il avait, de surcroît, déclaré que, dans cette kabbale hébraïque à laquelle il consacrait son temps et sa jeunesse, il y avait trouvé non point tant la religion chrétienne que la mosaïque - ce qui semble aller de soi -, mais surtout cette philosophia perennis à laquelle il aspirait tant. Dans son édition du De arte cabalistica (1517) de J. Reuchlin, (Aubier, Paris, 1973), François Secret veut considérer cette phrase comme le «programme» de la kabbale chrétienne; il n'est pas sûr que telle ait été, alors, la véritable préoccupation de Pico.[n.d.e.]

129. Sans doute s'agissait-il de rapprocher des trois personnes divines du dogme chrétien la triade supérieure des séfiroth (la Couronne, l'Intelligence, l'Esprit), que Pico avait étudiées avec ses maîtres Flavius Mithridate et Elie del Medigo. A peine moins audacieux, un semblable rapprochement entre la Trinité et les trois premières hypostases néoplatoniciennes avait déjà été effectué par Augustin.

130. Sous le nom d'Orphée ont circulé à la Renaissance 87 hymnes orphiques (traduits par Ficin en 1462); on lui attribuait aussi les Argonautiques et les Lithica. Pour une édition et un commentaire modernes des Orphica, voir G. Colli, La sagesse grecque, t. I, op. cit., pp. 31-43 et 117-289.

131. Une lettre de Pico, datée du 10 novembre 1486 (Opera, p. 385-386), assure qu'il avait appris le «chaldéen» en promettant de garder le secret.

132. Jamblique, Vie de Pythagore, XXVIII, 145.

133. Au milieu du siècle, Gémiste Pléthon avait présenté Platon comme le continuateur de la prisca theologia de Zoroastre, du Trismégiste et de Pythagore (d'où l'on pouvait conclure, notamment, à une plus grande proximité entre le platonisme et la doctrine chrétienne qu'entre celle-ci et l'aristotélisme).

134. Sur l'emploi du mot sirpus («filet de jonc», «jonc tressé») pour désigner les involutions de l'énigme, voir Aulu-Gelle, Nuits attiques, 12, 6, 1 et Politien, Miscellanea, I, 39.

135. Dans ses Conclusiones, Pico ne donne en fait que cinq points d'accord précis entre Aristote et Platon; mais, pour lui, c'est globalement que leurs enseignements convergent («quamvis verba dissentire videantur»), l'aristotélisme étant considéré lui aussi comme une théologie.