éditions de l'éclat, philosophie

JULES LEQUIER
COMMENT CHERCHER COMMENT TROUVER
UNE PREMIÈRE VÉRITÉ


Préface
par Claude Morali

 

 



Ce titre : « Comment trouver, comment chercher une première vérité ? »... je sais que ce n’est pas bien, mais je ne peux m’empêcher de l’entendre chanté sur un rythme de reggae. C’est irrésistible. Lequier et les rastas, aucun rapport ? Mais Lequier justement nous autorise : « La différence des natures les plus opposées, toute grande qu’elle est, n’est pas plus réelle que la différence des moins dissemblables. » D’ailleurs ne se rencontrent-ils pas à chanter, chacun dans sa langue, la liberté, le mystère du mal, l’intolérable fatalité ? Lequier lui, ne chante pas ? Sans doute, mais dès le premier contact, nous remarquons que sa pensée est musique et rythme avant d’être concepts et raisons[1], pensée à l’état naissant, se dégageant d’une autre activité d’expression plus primitive, plus indifférenciée, comme ce qu’on imaginerait un chant de sirène qui prendrait forme, forme philosophante. Soit, une musique, plus proche alors de Debussy ou Ravel que de Bob Marley... Accordons que la Jamaïque des seventies n’est pas la Bretagne catholique du milieu du xixe siècle et n’allons pas plus loin.

Jules Lequier est pris dans l’ombre qui recouvre la philosophie française du xixe siècle. Hamelin, Lachelier, Ravaisson... ces noms qu’on chuchote ou qu’on exhale comme une plainte ou un dernier souffle (dont les frôlements fantomatiques éveillaient naguère les aboiements d’un Nizan), ou Lagneau encore – pas même Leloup. Tous incarnent ou plutôt désincarnent un spiritualisme à la française auréolé de souffrances retenues et de dignité impuissantes ; ils sont (et la philosophie avec eux) « marqués par, marqués pour la défaite ».

Cette formule est employée par Cripure, autre figure exemplaire, fictive celle-là, du philosophe de cette époque, que Louis Guilloux, dans Le Sang Noir imagine précisément fasciné et révolté par le personnage de Lequier (dans le roman, Turnier) à qui il est supposé consacrer une thèse et d’interminables discussions.

Étonnante absorption du réel dans l’imaginaire romanesque, le Lequier du roman apparaît, doit-on dire, plus invraisemblable ou plus lourd de réalité que celui que nous retracent ses biographes complaisants. Comme si une telle vie n’avait été vécue que pour défier l’imagination, non pas inimaginable mais plus imaginaire qu’un rêve, seulement possible, tremblant entre les possibles, jusqu’au seul tranchant de sa fin.

Il faut le concéder, ce n’est pas facile tous les jours d’être philosophe français du xixe siècle. Ni sécurité sociale, ni liberté sexuelle ; la liberté d’opinion, tout juste, à condition de ne pas en abuser. Comparez avec les philosophes français du xxe siècle l’argent, les femmes, les media, la gloire... Enfin, on ne choisit pas.

Toujours est-il que Lequier mérite d’être tiré de cette ombre, car de ces philosophes, il n’en est pas à proprement parler. Fils de médecin, croyant, polytechnicien, il aurait pu devenir médecin, marin, évêque, général (mais dans l’infanterie, comme on le lui proposait, c’était trop improbable), n’importe qui plutôt que philosophe. En fait, la philosophie lui vient comme une prédestination, une révélation :

« Je crois avoir trouvé un mystère merveilleux de simplicité, de profondeur, de lumière et de ténèbres : quelque chose à quoi nul ne pensa. »

Le mystère déposé en lui, dont il a désormais à répondre, l’illumine comme une gloire et c’est à justifier cette Gloire qu’il va dédier son œuvre et sa vie. Est-ce bien cette impression que nous recevons à travers ses textes et par laquelle il nous touche ? L’intuition fulgurante – ou vide –, s’il n’y avait qu’elle, abîmerait l’œuvre dans la stérilité du délire hébété ou loquace. Le tissage de l’écriture l’en arrache mais décolore en retour la certitude initiale comme alibi indifférent.

Liberté, Vérité première ou dernière, s’il ne s’agissait que de cela, qui s’en soucierait ?

Lumière et ténèbres, assurément, mais à la manière du Soleil de Van Gogh (Tiens, chez Lequier, une tentative de se hacher le bras – sans doute le droit à l’aide du gauche –, sans succès, le conduit un moment à l’asile, d’un asile à l’autre, pour finir par celui que Nerval rendit célèbre ; curieuses chaînes à ne pas négliger). Une spirale qui dans son mouvement éblouissant dissout toute forme stable et donne à voir le point d’où jaillit la pensée.

Cette pensée joue ouvertement avec la folie (« on serait tenté de dire qu’il philosophe avec sa folie » dit de lui un de ses biographes, L. Prat), avec le rêve aussi, mais dans une visée investigatrice, méthodiquement, pour saisir un insaisissable, pour se saisir. Pour assister à un lever inaugural.

« En un point de ce vaste monde animé d’un mouvement continuel et continuellement transformé, où d’instant en instant rien ne se produisait qui n’eût la raison de son existence dans l’état antérieur des choses, je me vis au-delà de mes souvenirs ; je me vis à mon origine, moi, ce nouveau-né qui était moi, ce moi étranger qui commença mon être, je le vis déposé à son insu en un point de cet univers... »

Cette vision évoque au plus juste tel fantasme central chez Amiel :

« Il est une faculté que très peu d’hommes et que presque personne n’exerce ; je l’appellerai la faculté de réimplication. Pouvoir se simplifier graduellement et sans limites ; pouvoir revivre les formes évanouies de la conscience et de l’existence... Par une simplification croissante, se réduire à l’état de germe, de point, d’existence latente ; c’est-à-dire s’affranchir de l’espace, du temps, du corps et de la vie en replongeant de cercle en cercle jusqu’aux ténèbres de son être primitif, en rééprouvant, par d’infinies métamorphoses, l’émotion de sa propre genèse et en se retirant et en se condensant en soi jusqu’à la virtualité des limbes… » (1864.)

Par là cette recherche se situe dans sa vraie descendance qui remonterait à Maine de Biran.

Il se fait jour ici une même inquiétude, une même aspiration à rebrousser la vie individuelle jusqu’à son origine, jusqu’en deçà de son origine ; aspiration au retour, à l’avant-vie comme le fut aussi cette immersion mortelle dans le sein de la mer, jusqu’au-delà de tout, par quoi Lequier réitérera son expérience et terminera sa quête. Lui nageur infatigable, nageant de l’avant jusqu’à l’extrême avant, défiant Dieu de le sauver dans un pari connu de Lui seul, ou de se discréditer. Cette mort fait partie de son œuvre ; c’est elle qui le fait retenir, lui que rien ne retient plus, libre enfin comme la haute mer. Chef-d’œuvre en quelque sorte, non pas suicide, mais tentative pour tenter Dieu, péché pire que le suicide.

Réintégration de la paix dans la mère-mort, diront les déchiffreurs de symboles. Certes, cette ligne tressée de curiosité avide et barrée et de dégoût de la vie, sert bien de lisière à tout le xixe siècle européen. On retrouve ici cette ligne directrice sous l’espèce de l’analyse qui cherche à fuir et à cerner la vie en tentant de désagréger le plus infime instant de l’instant, celui ou s’est joué le décisif absolu, « le coup de dés... dont j’ai été le hasard » (Mallarmé s’en est-il souvenu ?) Mais à le désagréger pareillement, si on y parvient, que peut-on espérer d’autre sinon annuler cet instant, faire comme si rien n’ait eu lieu que le lieu, lieu océanique de l’indifférencié des possibles, comme des vagues qui se soulèvent, s’affaissent mais n’avancent pas ?

Tout commence avec une scène qu’on pourrait croire agencée par Robert Wilson. Un enfant tend la main, un oisillon apeuré s’envole, libéré pour sa mort, un épervier fond et s’en saisit.

L’enchaînement des mouvements à partir du premier geste est irrévocable, irréversible et pourtant suspendu à jamais, reproduit à l’infini dans une boucle sans début ni fin. C’en est fait une fois pour toutes, et non cependant, puisque on ne peut s’en détacher, passer outre. Ne serait-ce que par la reprise de la mémoire, du récit, l’acte est indélébile parce qu’il a été arbitraire, toujours recommencé, à recommencer, pour l’avoir été une première fois pour de bon. Comment recommencer dès la première fois ?

Une telle idée est-elle assez terrible, irrésistible, lumineuse et confondante, pour « occuper toute la région et toutes les issues de la pensée » ? Il faut le croire. L’enjeu est d’emblée placé sur le ressort de la croyance ; mais croyance ici n’est pas foi qui rassure ou qui supplée ; croyance vaut pour abandon de toute sécurité, voire de tout repère. Il ne sera plus question désormais d’échappée ni d’échappatoire. C’est un huis clos de la pensée avec elle-même, on ne sait trop en vue de quelle épreuve. Peut-être cet épervier dit-il assez déjà dès l’ouverture qu’une mise à mort en est le risque, le verdict arrêté au premier geste.

 

Mais en apparence nous avons affaire à une démarche plus théorique, sereine, dégagée. Pour commencer, Lequier rêve, fait semblant qu’il est Descartes, que Descartes n’a jamais existé. (De même que plus tard, mais dans un autre style, Bergson, Sartre, feront semblant que Lequier n’a jamais existé.) Imperturbable, nous le voyons chercher une première certitude et pour y parvenir, ne rien trouver de meilleur qu’un bon doute, méthodique, systématique, tout comme s’il était le premier, avec une parfaite ingénuité. Une impression de déjà-vu déconcerte le lecteur, prêt à soupçonner qu’il se sent en état de paramnésie. Mais voici que soudain, alors que le doute venait juste de nous amener à l’évidence de notre liberté, tout se brouille, nous nous arrêtons en chemin et nous trouvons immergés dans une contemplation rien moins que cartésienne. En fait, le mouvement est en ce point enrayé et démultiplié à l’infini et au lieu que la liberté conquise nous conduise résolument de certitude en certitude, à une connaissance sereine, elle nous perd dans un échange circulaire sans limite avec le doute. Non pas scepticisme, au contraire. Mais puissance amplifiée de remise en jeu, qui restitue à l’infini les mondes, les vies, les êtres, les actes alternatifs, de toutes parts autour de l’exiguë réalité. Cette richesse à son tour n’est pas évoquée pour qu’on s’y enivre ; donnée puis retirée, donnée en creux juste pour étoffer de perplexité inépuisable, la certitude crue qu’on prétendait chercher au début. Pas une affirmation qui ne se trouve aussitôt hypothéquée du « cortège si long des arrière-pensées qui se perd avec la foule des sentiments obscurs ». Pas une affirmation qui ne soit minée de toutes ses concurrentes que la logique pure sinon la vraisemblance autorise, voire seulement la syntaxe, famille, essaim d’affirmations allant d’un même tenant, se contestant sans se neutraliser dans un chœur confus.

Exactement l’anti-Descartes, donc, qui par feinte, s’était présenté sous les habits mêmes de Descartes.

C’est surtout avec les spectres jumeaux, Nécessité et Répétition, que Lequier tient à en découdre. La liberté intéresse parce qu’elle est prise entre les deux, lumière apparaissant entre leurs ombres symétriques profilées.

Montant ces machines philosophiques, on entend approcher Spinoza, Leibniz avec la combinatoire des possibles, Kierkegaard et Fichte surtout de La Destination de l’homme, que Lequier semble avoir médité. Mais ces évocations sont trompeuses. S’il connaît ses grands interlocuteurs, – ce n’est pas certain –, Lequier ne se soucie guère de polémiquer ni de dialoguer avec eux, ni avec quiconque.

Il soliloque dans un état d’enfermement qui est pour lui règle et épreuve.

Le dialogue idéal se déroulerait selon lui entre deux jumeaux, à peine inégaux. « Abel et Abel », tel est le titre qu’il donne à une étrange fiction biblique ; là encore il substitue un possible au « réel », réécrit l’Ancien Testament ; correction significative si l’on songe que celui des deux frères primordiaux qu’il retient pour le dédoubler, c’est celui dont le nom en hébreu est « buée », presque rien, et qui s’efface. Dialogue non dépourvu de contestation, entre Moi et presque Moi. Deux, là, c’est trop ou trop peu, un mauvais compte ; il y a Moi, le vide et l’infini des possibles Moi.

La nécessité : ce qui ne pourrait pas ne pas être ni même être autrement, de A à Z et dans les moindres détails.

Il y en a qui trouvent ça bien, reposant, salvateur. Lequier, non. Pour lui, c’est horrible, l’ennemi par excellence. Avec subtilité, insidieusement, il s’attaque à la pierre angulaire immémoriale de la nécessité, le fameux Triangle tutélaire sur lequel la philosophie depuis sa naissance a l’habitude d’asseoir ses certitudes les plus stables. Contre le doute, le désarroi, l’angoisse, l’athéisme, vite le triangle et ses trois angles égaux à deux droits, ouf !

Or voici que Lequier introduit cette terrible et merveilleuse vision, d’un univers où pas deux triangles ne seraient pareils, non seulement dans leur forme, bien sûr, mais dans leur structure géométrique interne ; il faudrait voir, tout inspecter : dans l’un, les angles feraient 179°, dans un autre 181°, ou 3 275,π°. On ne saurait pas.

Jamais deux fois le même, parce que jamais rien nécessaire. Afin de le prouver, avoir le temps infini de recommencer autant qu’il faut pour s’assurer empiriquement que jamais deux fois le même, ou mieux, au moins une fois pas le même. Répéter, à l’obsession, pour faire la preuve que ça ne répète pas, donc que dès le premier, c’était déjà autre chose.

On est très loin et très proche ici de l’autre fameux délire, le leibnizien où il s’agissait de savoir si dans l’immense H.L.M. des Mondes Possibles, il se trouvait ou non un petit F1 au moins, une cave délaissée dans laquelle Lucrèce n’était pas violée par son père.

Si je démontre qu’il n’y a pas de Nécessité, je démontre que je suis libre. Victoire ! Mais il subsiste encore là la nécessité de ma démonstration. Vice ! Donc pas de démonstration. À cette liberté il faudra qu’on aille à la force de la croyance, sur les ailes de l’affirmation vive.

 

De fait, les montages philosophiques, Lequier n’en veut pas, n’en joue pas ; il les joue, il les fausse pour produire des énoncés fabuleux qui ne doivent qu’à lui, qui sont solution à eux seuls ; bien mieux que solution, trace neuve, piste ouverte, tout problème oublié.

Apprenons à reconnaître son chiffre, à nous faire à sa lettre :

« (Le libre arbitre ?) Une superfétation tout à fait spontanée, le non-rien issu de la non-cause, dont il y a seulement à dire qu’il pouvait être ou n’être pas, n’être pas ou être dans son indifférence à l’être et au non-être, il a été ; c’est un accident absolu. Si donc j’avais le droit de parler ainsi sans être fou, j’aurais aussi le droit d’ajouter : “de cet accident absolu c’est moi qui suis l’auteur : je le reconnais et je l’adopte” ; et je serais sûr d’être libre ; libre de m’échapper quelquefois, ici ou là, je ne saurais dire au juste, en accidents absolus. »

On se perd savamment dans le jeu des conditionnels au point de ne plus savoir si la folie est brandie, déniée là comme interdit ou au contraire revendiquée, simulée comme risque suprême, épreuve de liberté. Comme un acte arbitraire prouve la liberté, ces lignes prouvent que toute argumentation est leurrante, trompe-l’œil derrière lequel s’exercent les vrais procédés de la pensée, pour l’essentiel procédés d’écriture, dispositifs logiques internes, en prise sur une différence, un décalage originaire. Ce décalage pour le plus clair, est celui qui s’instaure entre Moi et Moi, moi et mon être, ma vérité et mon dire.

« Par moi ! Mais moi qui suis par moi, je suis donc plus que Moi ? »

Il se révèle alors au fond de cette recherche, ce qui n’est pas son terme inaccessible et vain, mais sa structure d’emblée donnée à voir, « un intervalle de moi à moi, que j’enferme en moi-même » qui me définit et me crucifie du même coup.

L’issue ? Seulement un coup de force, Moi encore qui « de mon chef interviens entre moi et l’idée de moi pour consommer mon existence en la voulant, en l’affirmant, en m’en faisant jouir... »

Nous découvrons que s’effectue ici, par-delà l’enseigne de problématiques spécieuses, auxquelles nous aurions tort de bouder comme de nous aguicher, une expérience originaire de la pensée. En cela nous ne devrons pas nous laisser abuser par l’aspect analytique ou descriptif de la démarche, description psychologique fine, si bien dans la tradition française, label déposé, qu’il ne faudrait pas se hâter d’admirer.

Lequier effectue dans ces pages, sous nos yeux, une épreuve double : épreuve de la résistance de la Pensée et de la résistance à la Pensée. Résistance de la pensée, en moi, à sa propre démarche, à sa propre aspiration, pensée qui ne se laisse pas penser. (Essayez...) À rebours, tentative pour la pensée de poser en face de sa lancée, une résistance, alors que rien de lui résiste, rien ne lui résiste qu’elle-même qui ne résiste pas mais se laisse faire. De ce point de vue, si même on admet avoir encore affaire à une démarche descriptive, elle est description de la marche de la pensée ; elle est bien ainsi de plein titre pensée de ce qu’elle n’est pas, pensée de l’être, ontologie.

Cette pensée qui travaille de par son seul mouvement – comme un océan avance et se retire – se crée par un langage qu’elle crée, dans lequel manifestement le sens nous est proposé et retiré, avancé et annulé. Témoin ce passage clef, emblématique, qui nous livre une méthode et une grille de lecture :

« Je suis libre. Mais en disant cela, je m’étonne ; et je me sens suspendu, peut-être parce que je m’étonne. Si mon étonnement me fait obstacle, ou du moins m’empêche d’affirmer pleinement, que puis-je, sinon de chercher la cause de mon étonnement et de la détruire en me l’expliquant ? Mais il y a bien à se garder de prendre d’abord pour l’explication de l’étonnement la nouveauté sinon de l’idée du moins du sentiment qu’elle éveille en moi, de supprimer la nouveauté par l’habitude, par la nouveauté l’étonnement et par l’étonnement l’explication, car ce serait, non pas le détruire en l’expliquant, mais l’expliquer en le détruisant, c’est-à-dire n’expliquer rien. »

Mon étonnement ennemi à défier ou auxiliaire ?

Constituer un obstacle dans le sans-obstacle de la pensée. Reprendre la réponse sitôt qu’elle menace de trop vite fermer la question, mais récuser la question aussi, dès qu’elle fait trop croire à l’intérêt d’une réponse.

Apprendre à penser malgré, avec le sans-réponse, avec le sans-question. Apprendre que là sont les premières exigences à respecter pour mettre en route une pensée.

À travers le folklore et le pittoresque des problématiques régionalistes ou historiques, toute philosophie atteste sa grandeur, s’éprouve comme œuvre, quand elle permet une telle déconsidération du questionnement.

De là, elle est concernante, elle est jouissance possible pour le sujet qui est en condition de s’y trouver concerné, lecture pour le lecteur, pensée pour le penseur, promenade pour le promeneur, aventure à l’aventureux, jouissance au jouisseur.

Lequier, parmi les grands, parmi les tout premiers, nous entraîne dans ses marches le long des falaises en surplomb, le long des sentiers des douanes, qui valent bien des chemins forestiers, allons.

 

Et la liberté alors ? Et Dieu et la Croyance et la Prédestination ? Que ceux qui s’intéressent au sort de nos héros, ne s’attristent pas ! Ils ne cesseront ici d’avoir de leurs nouvelles et les retrouveront bientôt, peut-être sous d’autres déguisements dans de nouvelles et passionnantes péripéties. Quant aux autres, ils auront la philosophie ; ou plutôt tel Lequier, la philosophie les gardera.


NOTES

[1] Pensée si musicale que les manuscrits de Lequier sont ornés de nombreuses partitions ainsi que de curieux graphiques sur l'harmonie et les intervalles musicaux. (Note de l'Éditeur.)

 

...       ...


SOMMAIRE