ALFRED KORZYBSKI
UNE CARTE N'EST PAS LE TERRITOIRE


Glossaire

Le rôle du langage dans les processus perceptuels. Alfred Korzyski, Une carte n'est pas le territoire

 

Les termes de ce glossaire appartiennent tous aux textes de ce volume; certains sont développés dans ces textes eux-mêmes. Pour ceux-là et pour d'autres, nous avons rapporté des passages de Science and Sanity qui éclairent et illustrent certains aspects de ces formulations importantes en Sémantique générale. À propos du terme «non-aristotélicien», nous avons également rapporté un extrait d'une lettre de Korzybski parue dans la revue Etc.: A Review of General Semantics, en 1947. Pour chaque terme de ce glossaire, nous avons fait figurer entre crochets le terme original employé par Korzybski. Lorsque le texte original comporte une abréviation, qui est toujours mise en italiques, nous avons rétabli et mis en italiques le terme complet. De même, nous avons développé les abréviations propres aux différents contextes d'usage du et cetera. Chaque citation est suivie de son numéro de page dans Science and Sanity.



Abstraction [abstraction],

ordre d'abstraction [order of abstraction]

a) Qu'un énoncé ait été entendu ou lu, il devient un stimulus qui pénètre par les centres inférieurs; et un énoncé à propos de cet énoncé représente, en général, un nouveau processus d'abstraction, ou une abstraction d'ordre supérieur.

Il devient manifeste qu'introduire un langage d'«ordres d'abstractions différents», même s'il n'est pas familier, offre pourtant structurellement une représentation très fidèle, en termes d'ordre, des processus neurologiques fondamentaux se déroulant en nous. Nous savons que l'évolution a établi un ordre naturel: abstractions d'ordre inférieur d'abord, d'ordre plus élevé ensuite; identifier les ordres ou les inverser apparaît pathologique chez l'homme, et équivaut à confondre les ordres d'abstractions, ce qui aboutit à l'évaluation fausse: identification, délires, illusions et hallucinations. (p. 428)

b) Notons bien que dans les exemples donnés, nous avons toujours formulé un énoncé à propos d'un autre énoncé, et que le cercle vicieux est né de l'identification, ou de la confusion des ordres des énoncés. Nous pouvons en sortir grâce à la conscience d'abstraire, qui conduit à la discrimination sémantique entre les ordres d'abstractions. Si nous avons des propositions, p1, p2, p3, ... pn, et que nous faisons une nouvelle proposition à propos de ces propositions, que nous appelons P, alors, selon ma théorie, nous devons considérer l'énoncé P à propos des énoncés p1, p2, etc., comme une abstraction d'ordre plus élevé, donc différente, et nous ne devons pas identifier quant à l'ordre avec des propositions p1, p2, ... pn. (p. 431)

c) Le terme «abstraire» est multi-ordinal, et donc il possède diverses significations selon l'ordre des abstractions. C'est un terme fonctionnel qui nécessite qu'on signale les différents ordres pour montrer les différences de signification. C'est aussi un terme structurellement non-élémentaliste, construit sur le modèle mathématique extensionnel x', x', x''', etc. ou x1, x2, x3,... xn, ou xk (k = 1, 2, 3, ... n). Ceci nous permet de donner à l'expression «abstraire à des ordres différents» une signification parfaitement unique pour une situation donnée et néanmoins de préserver le caractère changeant de ses implications fonctionnelles majeures. Quelque chose de semblable se produit quand le mathématicien travaille sur son xn. Indiscutablement, il manipule une variable qui peut prendre n valeurs; ce symbole a donc une valeur descriptive structurelle et sémantique tout à fait précise. Il en est de même pour «abstraire à des ordres différents». (p. 179)

 

 

Ajustement [adjustment], ajusté [adjusted],

mal-ajustement [maladjustment],

mal-ajusté [maladjusted]

a) [...] les 'fous' et les 'non-sains' sont précisément les individus non-ajustés ; les individus 'sains' sont censés ajustés.

Ajustés à quoi ? Au monde qui les environne et à eux-mêmes. Notre monde humain diffère du monde des animaux. Il est plus complexe et les problèmes d'ajustement humain y deviennent aussi plus subtils. Dans la vie animale, les attitudes face au monde ne portent pas à de semblables conséquences ; chez nous, elles prennent plus d'ampleur, d'où ce besoin d'analyser le nouvel 'univers sémantique' humain, qui comprend l''univers du discours'. (p. 225)

b) En général, l'une des fonctions majeures du cortex cérébral est de réagir à d'innombrables stimuli d'importance variable, qui interviennent comme signaux chez les animaux et comme symboles chez les humains, et permettent un ajustement très fin de l'organisme à l'environnement. En termes psycho-logiques, on parle d''associations', de 'sélection', d''intelligence' etc.; en termes mathématiques, de relations, de structure, d'ordre, etc.; en termes psychophysiologiques, de réactions sémantiques. (p. 333)

c) Si nous sommes inconscients d'abstraire, il est évident que nous copions les animaux dans nos processus 'mentaux' et nos attitudes et que nous ne pouvons pas nous ajuster au monde humain, structurellement plus complexe (avec des abstractions d'ordre supérieur); d'où, forcément, des processus de blocage ou de régression. Dans ce monde plus complexe nous avons besoin de protection contre les sur-stimulations sémantiques, protection dont les animaux n'ont pas besoin dans leur monde plus simple. Par conséquent, si nous copions les animaux dans nos processus 'mentaux', peut-être pourrions-nous vivre dans leur monde plus simple – mais nous ne pouvons pas nous adapter facilement à un monde humain structurellement plus complexe. (p. 500)

 

 

Aristotélicien [aristotelian],

non-aristotélicien, [non-aristotelian]

a) Ce rejet général du «est» d'identité fournit la principale prémisse non-aristotélicienne fondamentale, qui exige un traitement structurel. L'assise des prémisses négatives est bien plus importante et bien plus solide comme point de départ que celle du «est» d'identité positif, que l'on trouve dans le système aristotélicien, mais dont on voit aisément qu'il est non conforme aux faits, et qu'il introduit d'importants facteurs d'illusion.

Pour avoir le maximum d'utilité, toute carte, ou tout langage, doit avoir une structure similaire à la structure du monde empirique. De même, du point de vue d'une théorie générale de la sanité, tout système ou tout langage devrait avoir une structure similaire à la structure de notre système nerveux. On peut facilement montrer que le système aristotélicien s'écarte structurellement de ces exigences minimales, alors que le système non-aristotélicien y est conforme. (p. 11)

b) La forme de représentation primitive dont Aristote hérita, les implications structurelles de cette forme de représentation et la 'grammaire philosophique' d'Aristote, qu'on appela «logique», sont intimement liées, au point que l'une mène à l'autre.

Dans l'actuel système non-aristotélicien, je rejette la structure que présumait Aristote, habituellement connue sous le nom de «métaphysique» (350 av. J.-C. environ), et j'accepte la science moderne (1933) en tant que ma 'métaphysique'.

Je rejette dans le système aristotélicien les aspects suivants, d'importance structurelle et sémantique, que j'appellerai postulats et qui constituent les fondements de la fonction-système aristotélicienne :

1) Le postulat de l'unicité de la forme de représentation sujet-prédicat.

2) La 'logique' élémentaliste bi-valente, telle que l'exprime la loi du «tiers exclu».

3) La confusion inévitable par manque de discrimination entre le «est» d'identité, que je rejette complètement, et le «est» d'attribution, le «est» d'existence, et le «est» utilisé comme verbe auxiliaire.

4) L'élémentalisme, qu'illustre la franche séparation supposée des 'sens' et de l''esprit', du 'percept' et du 'concept', des 'émotions' et de l''intellect', etc.

5) La théorie élémentaliste de la 'signification'.

6) Le postulat élémentaliste de la relation bi-valente 'cause-effet'.

7) La théorie élémentaliste des définitions, qui méconnaît les termes non-définis.

8) La théorie tri-dimensionnelle des prépositions et du langage.

9) La supposition de la validité universelle de la grammaire.

10) La préférence pour les méthodes intensionnelles.

11) La définition additive et élémentaliste de l''homme'.

Cette liste n'est pas exhaustive mais suffit pour mon dessein et pour orientation.

Je rejette totalement l'emploi du «est» d'identité, parce que l'identité ne s'observe jamais dans ce monde, et j'invente des méthodes pour permettre ce rejet.

Je fonde entièrement la fonction-système et le système non-aristotéliciens sur des prémisses négatives de type «n'est pas», qui ne peuvent être réfutées sans qu'on produise des données impossibles à fournir, et ainsi j'accepte la 'différence', la 'différenciation', etc. comme éléments fondamentaux.

J'accepte les relations, la structure, et l'ordre comme éléments fondamentaux.

J'accepte la «logique de probabilité», plus générale et structurellement mieux adaptée, de L/ukasiewicz et Tarski, qui devient dans mon système non-élémentaliste une sémantique infini-valente [...].

J'accepte la forme de représentation fonctionnelle chaque fois que possible.

J'introduis le principe de non-élémentalisme que j'applique constamment, ce qui conduit à: (a) Une théorie non-élémentaliste des significations; (b) Une théorie non-élémentaliste des définitions fondée sur des termes non-définis; (c) Une théorie psycho-physiologique des réactions sémantiques.

J'accepte l'individualité absolue des événements aux niveaux objectifs in-dicibles, ce qui impose de conclure que tous les énoncés à leur propos sont seulement probables à divers degrés, en introduisant un principe général d'incertitude dans tous les énoncés.

J'accepte l''existence logique' comme élément fondamental.

J'introduis des méthodes différentielles et quadri-dimensionnelles.

J'accepte la fonction propositionnelle de Russell.

J'accepte la fonction doctrinale de Keyser, et je généralise la fonction système de Sheffer.

J'introduis la théorie quadri-dimensionnelle des propositions et du langage.

Je constate la multiordinalité des termes.

J'introduis et j'applique des considérations psychophysiologiques sur les ordres d'abstractions non-élémentalistes.

J'étends la relation 'cause-effet' entre deux termes à une causalité infini-valente.

J'accepte le déterminisme infini-valent de probabilité maximum à la place du déterminisme bi-valent moins général.

Je fonde le système non-aristotélicien sur des méthodes extensionnelles, ce qui nécessite l'introduction dans un grand nombre d'énoncés d'un nouveau signe de ponctuation indiquant le «etc.».

Je définis l''homme' en termes fonctionnels non-élémentalistes.

[...] Cette liste n'est pas complète; elle est donnée pour orientation et pour justifier le nom d'un système non-aristotélicien.

Dans l'ensemble, toute la science se développe dans la direction non-aristotélicienne. Mieux elle réussit à surmonter les anciennes implications structurelles du langage, et plus nombreux seront ses succès à former de nouveaux vocabulaires, plus grands et plus rapides seront ses progrès.

Nos relations humaines sont fondées, encore à présent, principalement sur la fonction-système aristotélicienne. La question est très claire. Ou bien nous voulons développer une science de l'homme, et, par conséquent, nous aurons à nous séparer des implications structurelles de notre vieux langage et des réactions sémantiques correspondantes – et cela signifie que nous aurons à construire une nouvelle terminologie, qui soit de structure non-aristotélicienne, et à employer des méthodes différentes; ou bien nous demeurerons sous l'emprise sémantique aristotélicienne, nous utiliserons un langage et des méthodes aristotéliciens, faisant intervenir d'anciennes réactions sémantiques, et nous n'établirons pas de science de l'homme. (pp. 92-94)

c) «Pourquoi 'non-aristotélicien'» (Lettre d'A. Korzybski, publiée dans Etc. : A Review of General Semantics, Vol. IV, n° 3, Avril 1947, pp. 224-225.). «Messieurs: La lettre du Professeur Thomas D. Eliot résume tant de graves incompréhensions de mon œuvre que je prends la liberté d'y répondre assez longuement, à l'intention de ceux de mes étudiants qui rencontrent ce genre d'attitudes d''apaisement'.

Il dit: «J'en arrive à croire que pour bien des gens elles [les expressions "aristotélicien" et "non-aristotélicien"] sont philosophiquement indigestes.»

C'est malheureusement vrai, et la seule chose à faire avec ces gens est d'extirper d'eux les vieux dogmes auxquels ils ont été habitués depuis le berceau et non de les apaiser. Si, dans mon travail, j'avais dû flatter des croyances populaires et des actions fondées sur celles-ci, j'aurais échoué. Je ne peux pas écrire seulement pour plaire à l'orthodoxie des gens ignorants ou mal informés qui ne lisent pas, mais qui «en savent plus que tout le monde». Mais je dois affirmer honnêtement ce que je crois correct, au sens extensionnel, en employant le langage courant, sans essayer d'être 'persuasif', mais en m'efforçant d'employer un langage dont la structure est similaire à ce qu'il est supposé représenter.

Je rappelle au lecteur que le grand mathématicien Gauss fut le premier à concevoir un système non-euclidien, mais il a refusé de publier ses découvertes parce qu'il craignait la «vocifération des Béotiens». Je propose au lecteur de consulter un bon dictionnaire, et le Thesaurus de Roget, à l'entrée «béotien», ainsi que l'Encyclopaedia Britannica. L'histoire a puni Gauss de sa pusillanimité, en ne lui accordant pas le mérite d'inventeur de la géométrie non-euclidienne. (Quant à moi, je ne crains pas la «vocifération des Béotiens», car je savais qu'elle se produirait assurément.)

«Ceux qui sont familiers avec son œuvre [celle d'Aristote]», écrit encore M. Eliot, «me disent que, par rapport à Platon, Aristote était bien plus empirique et "extensionnel"...» Aristote était en effet plus «extensionnel» que Platon. Mais cela n'a rien à voir avec l'inadéquation de son système pré-scientifique, formulé vers 350 av. J-C. Le fait qu'Aristote a produit une œuvre aussi exceptionnelle à cette époque a seulement rendu plus difficile le travail de ses successeurs.

Platon a objectifié les 'idées' comme si elles étaient quelque chose de 'concret'. Autrement dit, il a identifié des niveaux verbaux avec des niveaux non-verbaux. C'est ce que font les primitifs et les bébés, et malheureusement la majorité d'entre nous perpétue encore cette habitude. Le mal que Platon a causé aux générations successives a été considérable, parce qu'il a peuplé notre monde de mauvais génies contre lesquels nous luttons encore. Mais, contrairement à Aristote, Platon n'a pas construit un système pratique susceptible d'être encore infligé à chaque génération, les entraînant à la magie primitive des mots.

Dans Science and Sanity, je rends compte de façon délibérée et explicite de mon admiration pour Aristote, et j'agis avec conséquence quand j'appelle les systèmes plus généraux, systèmes non-euclidien, non-newtonien et non-aristotélicien, dans l'ordre chronologique de leur révision, du plus simple au plus complexe. La force d'un système est qu'il peut être enseigné, et les trois systèmes «non» peuvent être d'autant plus enseignés qu'ils incluent les systèmes antérieurs en tant que cas particuliers.

Les amis que M. Eliot désire apaiser font l'erreur très courante de prendre les systèmes «non» pour des systèmes «anti», ce qui n'est pas le cas d'un point de vue historique. Les appellations «non-aristotélicien», «non-euclidien» et «non-newtonien» (ces deux dernières sont des termes mathématiques et physico-mathématiques) sont entièrement justifiées sur des bases épistémologiques et linguistiques. Les systèmes d'Aristote, d'Euclide et de Newton, dans cet ordre, étaient étroitement liés et interdépendants, et ils sont représentatifs de leur ère neurosémantique, codifiant le 'consensus d'opinions' de leur époque. Ainsi les anciennes inadéquations se propagèrent même lorsque ces codifications (cartes) ne s'accordaient plus au territoire.

Le choix d'une étiquette générique pour désigner un système a une réelle importance, puisqu'il indique le caractère composite des sciences, des cultures et des civilisations. Nous devons distinguer entre une théorie et un système. Il existe beaucoup de théories, fabriquées par beaucoup de gens, mais très peu de grands systèmes (cf. les «fonctions doctrinales» de Keyser [...]), parmi lesquels les plus importants sont ceux dont Aristote, Euclide et Newton ont fait originalement la synthèse, et on doit donc les désigner par leurs noms. Quant à la révision d'un système, et il peut y en avoir un nombre indéfiniment grand, nous devons utiliser un terme générique, historiquement et épistémologiquement correct, tel que «non-aristotélicien», «non-euclidien», «non-newtonien». La valeur pédagogique de tels termes est immense, car ils marquent pour les générations futures la démarche délibérée de généralisation des systèmes restreints antérieurs, afin de les rendre plus adéquats et englobants pour les besoins d'aujourd'hui. Par exemple, si M. Eliot devait produire une révision importante du système aristotélicien extrêmement complexe, ce serait une erreur de le nommer «système d'Eliot». Historiquement et épistémologiquement, on devrait le nommer un «système non-aristotélicien» (un parmi de nombreux possibles), ou encore le «système non-aristotélicien éliotien», ou un «système non-aristotélicien d'Eliot».

 

 

Colloïdes [colloids],

électro-colloïdal [electro-colloidal]

a) Le lecteur ne doit pas prêter une valeur d'unicité au caractère 'cause-effet' des énoncés qui suivent, car ils peuvent devenir incorrects si on les généralise. La science colloïdale est récente, et encore peu connue. Elle a accumulé un enchevêtrement de faits, mais ne propose pas encore de théorie générale du comportement colloïdal. Par conséquent, ses énoncés ne doivent pas être indûment généralisés. (p. 111)

b) En général, on peut décrire un colloïde comme un 'système' comprenant deux 'phases' ou plus. Les colloïdes les plus répandus sont des émulsions ou des suspensions de fines particules dans un milieu gazeux, liquide ou autre, la taille des particules variant de celles à peine visibles au microscope à celles aux dimensions moléculaires. Ces particules peuvent être des solides homogènes, ou des liquides, ou elles-mêmes des solutions d'un faible pourcentage du milieu dans un complexe lui-même homogène. De telles solutions ont cette caractéristique commune que les particules suspendues peuvent rester presque indéfiniment en suspension, parce que leur tendance à décanter par gravité est neutralisée par un autre facteur tendant à les maintenir en suspension. Dans l'ensemble, le comportement colloïdal est indépendant de l'état physique ou chimique des matériaux finement subdivisés ou du milieu. On observe des manifestations du comportement colloïdal non seulement dans des suspensions et des émulsions colloïdales, dans lesquelles des particules solides ou des gouttelettes sont en milieu liquide, mais aussi lorsque des particules solides (fumées) ou des gouttelettes (brumes) sont dispersées en milieu gazeux, etc. (p. 112)

c) Comme toute forme de vie s'observe sous forme colloïdale et présente des caractéristiques que l'on trouve aussi chez les colloïdes inorganiques, il en ressort que les colloïdes constituent le meilleur lien connu entre les mondes inorganique et organique. Cette constatation ouvre des horizons nouveaux à l'étude de la cellule vivante et des conditions optimales de son développement, dont la sanité. (p. 114)

d) Pour résumer, nous savons que le comportement colloïdal se manifeste dans des matières très finement subdivisées, ce 'monde des dimensions négligées', qui fait appel à des caractéristiques surfaciques et électriques aux structures multiples et complexes, et qui rend compte de la variabilité des caractéristiques macroscopiques manifestes. Il est bien connu que tous les processus vivants, les 'sensations', les 'émotions', la 'pensée', les réactions sémantiques, et ainsi de suite, font au moins intervenir des courants électriques. Comme les courants électriques et d'autres formes d'énergie sont capables d'affecter la structure colloïdale dont dépendent nos caractéristiques physiques, il est bien évident que des 'sensations', des 'émotions', la 'pensée', etc. ; plus généralement des réactions sémantiques, qui sont liées aux manifestations d'énergie, auront également un effet sur notre corps, et vice versa. La structure colloïdale nous fournit un mécanisme extrêmement souple aux possibilités sans fin. (p. 121)

 

 

Conditionnalité [conditionality],

degrés de conditionnalité [degrees of conditionality]

a) On peut répartir les réactions en deux groupes: celles qui sont innées, presque automatiques, presque inconditionnelles, relativement peu nombreuses et simples, propres à ce qu'on appelle l''espèce'; et celles qui sont acquises au cours de la vie de l'individu, qui sont susceptibles d'une grande variété de complications, sont conditionnelles à différents degrés, et propres à l'individu. (p. 332)

b) C'est pour ces raisons structurelles que j'emploierai les termes de réactions 'innées' ou 'acquises', ou bien 'inconditionnelles' et 'conditionnelles'. [...] En général, l'une des fonctions majeures du cortex cérébral est de réagir à d'innombrables stimuli d'importance variable, qui interviennent comme signaux chez les animaux et comme symboles chez les humains, et permettent un ajustement très fin de l'organisme à l'environnement. En termes psycho-logiques, on parle d''associations', de 'sélection', d''intelligence', etc.; en termes mathématiques, de relations, de structure, d'ordre, etc. ; en termes psychophysiologiques, de réactions sémantiques.

Le langage des réactions a un intérêt spécial, car sa structure est similaire à celle du protoplasme en général et du système nerveux en particulier. Ce langage peut être élargi et complété, grâce à ces observations structurelles supplémentaires:

1) Les réactions chez les animaux et chez les humains présentent des degrés de conditionnalité différents ;

2) Les signaux et les symboles peuvent avoir des ordres différents, ce qui indique une superposition de stimuli ;

3) Les animaux ne peuvent pas étendre indéfiniment leurs réponses à des signaux d'ordre supérieur ;

4) Les humains peuvent étendre indéfiniment leurs réponses sémantiques à des symboles d'ordre supérieur, ce qu'ils font effectivement par le biais du langage, qui se rattache toujours à une quelconque réponse, ne fut ce qu'un refoulement ou toute autre manifestation névrotique ou psychotique.

Cet élargissement est structurellement fondamental, car il nous permet d'étendre le vocabulaire des réactions conditionnelles aux humains, quant à l'ensemble de leurs fonctions. (pp. 333-334)

c) Chez l'animal, les réactions conditionnelles ont encore l'élément d'inconditionnalité. Chez l'homme, elles peuvent devenir pleinement conditionnelles, et dépendre d'un bien plus grand nombre de facteurs sémantiques dits 'mentaux', 'psychiques', etc. que chez n'importe quel animal. (p. 335)

d) Chez des malades 'mentaux', les réactions qui seraient conditionnelles chez des personnes 'normales' deviennent, en un sens, inconditionnelles, compulsives et semi-automatiques de fait, à l'intérieur comme à l'extérieur. Comme chez l'animal, aucun effort de persuasion 'intellectuelle' n'a le moindre effet sur eux, et les réactions, les sécrétions, etc. s'ensuivent automatiquement. Du point de vue physiologique, les maladies 'mentales' chez les humains sont très comparables aux réactions conditionnelles chez les animaux. Ainsi, un langage physiologique permettant de traiter des différents ordres d'abstractions, des différents ordres de réactions sémantiques et conditionnelles, paraîtrait structurellement satisfaisant. Un tel langage permettrait de passer des réactions innées, qui présentent le maximum de persistance, d'inconditionnalité, et ont un caractère presque automatique, aux réactions acquises ou conditionnelles chez les animaux, qu'on appellerait réactions conditionnelles d'ordre inférieur, qui fonctionnent encore dans une certaine mesure de façon automatique, et enfin aux réactions potentiellement pleinement conditionnelles chez l'homme, bien plus souples, variables, infini-valentes, qu'on appellera réactions conditionnelles d'ordres supérieurs, et qui englobent les réactions sémantiques.

Dans ce vocabulaire, on conserverait le terme principal de «réaction» en tant qu'implication structurelle; et ce sont les termes de réactions conditionnelles d'«ordre inférieur» ou d'«ordre supérieur» qui feraient apparaître les degrés de conditionnalité. Ce langage aurait l'immense avantage d'être physiologique et infini-valent. Il serait structurellement conforme à ce que nous apprend la psychiatrie, à savoir que le malade 'mental' présente un arrêt du développement ou des tendances régressives. (p. 337)

e) Introduire les degrés de conditionnalité fait bien mieux ressortir les importantes possibilités que nous avons de modifier, retarder ou supprimer certaines réponses immédiates. En effet, si cette possibilité d'influencer les réponses paraît être un facteur important dans le mécanisme de conditionnalité des ordres inférieurs, c'est le facteur principal de l'établissement de degrés de conditionnalité des ordres supérieurs. De toute évidence, on observe alors des réactions très labiles, un ajustement très fin aux conditions, permettant à l'organisme de survivre dans les conditions les plus complexes, celles de la vie hautement 'civilisée'.

C'est à ce mécanisme que l'on doit non seulement l'intelligence humaine, mais encore tous les aspects constructifs de ce qu'on appelle la 'civilisation'. Réciproquement, pour survivre dans une telle civilisation complexe, il faut absolument posséder ces réactions pleinement conditionnelles. (p. 343-344)

 

Élémentalisme [elementalism],

élémentaliste [elementalistic],

non-élémentalisme [non-elementalism],

non-élémentaliste [non-elementalistic]

a) Dans nos rapports avec nous-mêmes et le monde autour de nous, nous devons prendre en compte le fait structurel que dans ce monde toute chose est étroitement liée, strictement, à toutes les autres choses, et par conséquent nous devons nous efforcer d'abandonner les termes élémentalistes primitifs, qui impliquent par leur structure un isolement qui n'existe pas. (p. 108)

b) [...] tout organisme doit être traité comme-un-tout; en d'autres termes, l'organisme n'est pas une somme algébrique ou une fonction linéaire de ses éléments, mais toujours davantage que cela. À l'heure actuelle, il semble qu'on se rende mal compte que cet énoncé simple et d'allure innocente implique une complète révision structurelle de notre langage, puisque ce langage d'origine pré-scientifique fort ancienne est élémentaliste, et par conséquent singulièrement inadapté pour exprimer des notions non-élémentalistes. (p. 64)

c) [...] Les langages ont une structure, nous pouvons ainsi avoir des langages de structure élémentaliste, comme 'espace' et 'temps', 'observateur' et 'observé', 'corps' et 'âme', 'sens' et 'esprit', 'intellect' et 'émotions', 'penser' et 'ressentir', 'pensée' et 'intuition', etc. qui admettent une division ou séparation verbale. Ou bien nous pouvons avoir des langages de structure non-élémentaliste, comme «espace-temps», les nouveaux langages quantiques, «time-binding», «abstractions d'ordre différent», «réactions sémantiques», etc. qui n'impliquent pas de division ou séparation verbale, etc. ; ainsi les langages mathématiques «ordre», «relation», «structure», «fonction», «variable», «invariant», «différence», «addition», «division», etc. s'appliquent aux 'sens' et à l''esprit', c'est-à-dire peuvent être 'vus' et 'pensés', etc. (p. 751)

d) Le bénéfice tiré d'une attitude non-élémentaliste, structurellement correcte, mais qui ne serait pas formulée, reste limité à une seule personne. Une fois formulée en langage non-élémentaliste, elle devient un bénéfice collectif, puisqu'elle induit chez les autres les attitudes non-élémentalistes, transformant ainsi les réactions sémantiques antérieures. De la sorte, une 'sensation' a été traduite structurellement en langage, qui, à son tour, à travers la structure, modifie les attitudes et les 'sensations' d'autres personnes, et ainsi leurs réactions sémantiques. (p. 32)

 

 

Identité [identity], non-identité [non-identity],

«est» d'identité ['is' of identity],

identification [identification].

a) On peut distinguer trois périodes dans le développement humain, chacune caractérisée par ses critères d'évaluation:

1) La période pré-humaine et primitive d'identification littérale, générale, et illimitée. On pourrait résumer approximativement la sémantique de cette période par la formule «n'importe quoi est n'importe quoi d'autre» et l'appeler sémantique mono-valente.

2) La période infantile, ou aristotélicienne, d'identification partielle ou limitée, qui admet les relations symétriques à l'exclusion des relations asymétriques. Sa sémantique fait intervenir, entre autres choses, la «loi d'identité» – «n'importe quoi est identique à soi-même» – dont le caractère bi-valent s'exprime par le postulat «A est B ou non B».

3) la période adulte, ou non-aristotélicienne, ou scientifique, fondée sur l'élimination complète de l'identification au moyen de relations asymétriques et d'autres, qui établit la structure comme le fondement de toute 'connaissance'. Sa sémantique est conforme à la sémantique infini-valente des probabilités et reconnaît l''égalité', l''équivalence', etc. mais aucune 'identité'.

Avant d'analyser ces trois périodes séparément, précisons que l''identité', définie comme la 'similitude absolue', nécessite une 'similitude absolue' sous 'tous' les aspects, ce qui ne s'observe jamais dans ce monde ni dans notre tête. Quoi que nous rencontrions aux niveaux objectifs, cela représente un processus, différent tout le 'temps', quelle que soit sa rapidité ou sa lenteur; par conséquent, le principe ou la prémisse que «n'importe quoi est identique à soi-même» est invariablement non conforme aux faits. D'un point de vue structurel, cet énoncé sert de fondement à un système linguistique dont la structure est dissemblable de celle du monde et de la nôtre. Toutes les représentations du monde, les spéculations et les réactions sémantiques fondées sur de telles prémisses nous échafaudent obligatoirement des mondes illusoires; un ajustement optimal à un monde réel, si fondamentalement différent de nos chimères, doit, en principe, être impossible.

Même si nous considérons l'expression symbolique 1 = 1, une 'similitude absolue' sous 'tous' les aspects est également impossible, bien qu'à propos de cette expression nous puissions employer des termes comme «égal», «équivalent», etc. Une «ressemblance absolue sous tous les aspects» nécessiterait une identité des différents systèmes nerveux qui fabriquent et utilisent ces symboles, une identité des différents états du système nerveux de la personne qui a écrit les deux symboles qui précèdent, une identité des surfaces, etc. des différentes parties du papier, de la répartition de l'encre, et d'autres choses encore. Il est évidemment absurde d'exiger que de telles conditions impossibles soient satisfaites. Mais il est tout aussi absurde et très nuisible à la sanité et à la civilisation de conserver jusqu'aujourd'hui de telles formulations trompeuses comme standards d'évaluation, puis de passer toute une vie à souffrir et peiner pour échapper à leurs conséquences. C'est comme si nous passions de nombreuses années à enseigner à nos enfants, et à leur faire appliquer, que un et un n'est jamais égal à deux, que deux fois deux n'est jamais égal à quatre, etc. et qu'il leur faille ensuite passer toute une vie pleine de surprises et de déceptions, si ce n'est de drames, pour apprendre au seuil de leur mort que les énoncés précédents sont toujours corrects en mathématiques et très souvent vrais dans la vie quotidienne, pour savoir en fin de compte, tragiquement tard, qu'on leur avait enseigné de fausses doctrines et qu'on les avait entraînés à des réactions sémantiques trompeuses depuis le début. (p. 194)

 

 

Identification en valeur [identification in value]

a) Nous verrons plus loin que tous les langages possèdent certaines caractéristiques semblables à celles des langages mathématiques. Par exemple, le mot aristotélicien «pomme», dans la mesure où il ne lui est attaché aucun indice particulier ni date, n'est pas un nom représentant un objet précis ou une étape donnée d'un processus, dont les étapes diffèrent toutes entre elles, mais un nom représentant une définition, qui, en principe, est mono-valente, tandis que les processus objectifs sont infini-valents. Si ce mécanisme n'est pas clairement compris, nous sommes tenus, en présence d'étapes de processus infini-valentes réelles, d'identifier les valeurs infinies à une seule valeur ou à un faible nombre de valeurs. Les considérations précédentes obligent à développer une nouvelle théorie non-élémentaliste des significations qui soit conforme à la structure du monde et de notre système nerveux. (p. 96)

 

 

Multiordinalité [multiordinality],

multiordinal [multiordinal]

a) Il faut informer d'emblée le lecteur d'une innovation sémantique fondamentale: la découverte de la multiordinalité de nos termes les plus importants. Ceci conduit à employer consciemment ces termes dans leur sens multiordinal, extrêmement souple, riche de conditionnalité. Des termes comme «oui», «non», «vrai», «faux», «réalité», «cause», «effet», «accord», «désaccord», «proposition», «nombre», «relation», «ordre», «structure», «abstraction», «caractéristique», «amour», «haine», «doute», etc., sont tels que s'ils sont appliqués à propos d'un énoncé, ils peuvent aussi être appliqués à propos d'un énoncé au sujet du premier énoncé, et en fin de compte à propos de tous les énoncés, quel que soit leur ordre d'abstraction. J'appelle termes multiordinaux ceux qui présentent cette caractéristique. La principale caractéristique de ces termes, c'est qu'à des niveaux différents d'ordres d'abstractions, ils peuvent avoir des sens différents; en conséquence ils n'ont pas de sens général, car leurs sens est déterminé uniquement par le contexte, qui établit de quel ordre d'abstraction il s'agit. (p. 14)

 

b) Dans les exemples de la Section A, nous avons employé des mots comme «proposition», appliqués à toutes les abstractions d'ordre supérieur. Nous avons vu que ces termes peuvent avoir divers usages ou significations, selon les différents ordres d'abstractions auxquels ils sont appliqués. Ainsi naît ce que j'appelle la multiordinalité des termes. Des mots comme «oui», «non», «vrai», «faux», «fonction», «propriété», «relation», «nombre», «différence», «nom», «définition», «abstraction», «proposition», «fait», «réalité», «structure», «caractère», «problème», «connaître», «penser», «parler», «haïr», «aimer», «douter», «cause», «effet», «signification», «évaluation», et une liste sans fin de nos termes les plus importants, doivent être considérés comme des termes multiordinaux. Ces termes multiordinaux ont une caractéristique sémantique extrêmement importante: ils sont ambigus, ou infini-valents, en général, et chacun n'a un sens précis ou une valeur unique que dans un contexte donné, quand l'ordre d'abstraction peut être précisément indiqué.

[...] Le test de multiordinalité d'un terme est simple. Formulons un énoncé quelconque et voyons si un terme donné s'y applique («vrai», «faux», «oui», «non», «fait», «réalité», «penser», «aimer», etc.). Si c'est le cas, formulons délibérément un autre énoncé au sujet du premier énoncé, et voyons si le terme donné peut encore s'y appliquer. S'il en est ainsi, il est peu risqué d'affirmer que nous devons considérer ce terme comme multiordinal Chacun peut tout seul, sans la moindre difficulté, tester un tel terme multiordinal. L'essentiel quant à ces termes multiordinaux, c'est que, en général, ils sont ambigus, et que toutes les discussions à leur propos, 'en général', ne conduisent qu'à une identification des ordres d'abstractions et à des perturbations sémantiques, et nulle part ailleurs. Les termes multiordinaux n'ont de sens précis qu'à un niveau donné et dans un contexte donné. (pp. 433-434)

 

 

Organisme-comme-un-tout [organism-as-a-whole]

a) Pour abolir le décalage entre l'avancement de la science et le pouvoir d'adaptation de l'homme, il nous faut d'abord établir la science de l'homme-comme-un-tout, englobant toutes ses activités, sans exclure la science, les mathématiques, ni les maladies 'mentales'. (p. 17)

b) [...] car l'organisme-comme-un-tout ne peut ni ne doit être séparé structurellement de son environnement; et donc les termes doivent être étendus pour couvrir, par voie de conséquence, l'environnement. (p. 96)

c) Non seulement il faut percevoir l'organisme comme-un-tout, mais encore il est impossible de l'isoler de son environnement. Une relation mutuelle fonctionnelle est établie entre les deux. (p. 104)

d) Dans les chapitres précédents, j'ai fait usage d'une expression, l'«organisme-comme-un-tout», qui est continuellement employée en biologie, en psychiatrie et dans d'autres domaines scientifiques. Elle représente une forme restreinte du principe structurel général de non-élémentalisme. Elle implique qu'un organisme n'est pas simplement la somme algébrique de ses parties, mais bien davantage, et qu'il doit être traité comme un tout intégré. (p. 188)

 

Psycho-logique [psycho-logics],

psycho-logicien [psycho-logist]

a) Si nous appliquons avec constance le principe de l'organisme-comme-un-tout à chaque analyse psycho-logique, nous devons prendre conjointement en considération au moins les deux aspects, 'émotionnel' et 'intellectuel', et ainsi imputer délibérément des facteurs 'émotionnels' à toute manifestation 'intellectuelle', et des facteurs 'intellectuels' à tout événement 'émotionnel'. C'est pourquoi, aux niveaux humains, il faut abolir le terme élémentaliste «psychologique» et introduire un nouveau terme psycho-logique, pour pouvoir bâtir une science. (p. 23)

b) On emploiera toujours le terme psycho-logique, soit avec un trait d'union pour indiquer son caractère non-élémentaliste, soit entre guillemets anglais simples et sans trait d'union, quand on se réfère au vieil élémentalisme. De même pour les termes psycho-logique, psycho-logiciens, pour 'psychologie' et 'psychologues'. (p. 31)

 

 

Réactions sémantiques [semantic reactions]

a) L'outil de travail de la psychophysiologie, c'est la réaction sémantique. On peut la décrire comme la réaction qu'un individu donné a, face aux mots, langages, et autres symboles et événements, en liaison avec leurs significations – et comme les réactions psycho-logiques, devenant des significations et des configurations de relations dès que l'individu commence à les analyser, ou que quelqu'un le fait à son intention. Il est très important de prendre conscience que le terme «sémantique» est non-élémentaliste, puisqu'il englobe conjointement facteurs 'émotionnels' et 'intellectuels'. (p. 24)

b) Les termes «sémantique», «sémantiquement», «réactions sémantiques», «états sémantiques», etc. sont non-élémentalistes, en ce sens qu'ils font intervenir à la fois les 'émotions' et l''intellect', car ils dépendent des 'significations', de l''évaluation', du 'sens symbolique', et autres, fondés sur la structure, les relations, et en fin de compte l'ordre multi-dimensionnel. Tous ces termes s'appliquent pareillement aux 'sens' et à l''esprit', aux 'émotions' et à l''intellect' – ils ne sont pas artificiellement dissociés. (p. 30)

 

 

Réactions du premier ordre, du deuxième ordre

[first order, second order reactions]

a) La source de tous les travaux créatifs se situe toujours dans les centres inférieurs, qui sont en contact plus direct avec le monde qui nous entoure, par les 'sensations', 'intuitions', 'visualisations' et autres réactions du premier ordre. (p. 304)

 

 

Réflexes différés [delayed reflexes]

a) Le Docteur Zavadzki a conduit des expériences pour étudier le mécanisme de ce qu'on appelle les 'réflexes différés'. Pour simplifier, quand l'intervalle entre le stimulus conditionnel et son renforcement (nourriture, acide) est bref, environ une à cinq secondes, la sécrétion de salive suit presque immédiatement l'application du stimulus conditionnel. Si l'intervalle est plus long, environ plusieurs minutes, l'apparition des sécrétions salivaires est elle aussi différée, la longueur du délai étant proportionnelle à la longueur de l'intervalle entre les deux stimuli. (p. 360)

 

Sanité [sanity], non-sanité [un-sanity], folie [insanity].

a) [...] une théorie de la sanité [...] signifie une théorie de l'ajustement. (p. 224)

b) [...] la sanité nous impose de connaître et d'évaluer ce monde qui nous environne, afin de nous y ajuster de façon satisfaisante. (p. 239)

c) La sanité doit être fondée sur des méthodes favorisant l'emploi le plus efficace du système nerveux humain, en conformité avec sa structure; les capacités humaines pourront alors pleinement s'exprimer, alors qu'elles sont encore sémantiquement bloquées par un maniement défectueux du mécanisme. (p. 328)

d) Comme les problèmes de 'sanité' représentent des problèmes d'ajustement sémantique, et qu'ajustement signifie ajustement à quelque chose – dans ce cas aux structures du monde hors de nous et en nous – il semble impératif que nous prenions en compte la meilleure connaissance que nous possédons de ces structures. (p. 693)

e) C'est nuire beaucoup à la sanité que d'enseigner le mépris des théories ou des doctrines, et de l'élaboration théorique, puisqu'aussi longtemps que nous serons des humains, nous ne pourrons jamais nous en affranchir. En les négligeant, nous ne faisons que nous créer des perturbations sémantiques. La différence n'est pas très nette entre les confusions d'ordres d'abstractions qui sont morbides, et celles qui ne le sont pas de façon aussi indubitable. Les fortes composantes affectives de ces perturbations sémantiques conduisent obligatoirement à l'absolutisme, au dogmatisme, au finalisme et à des états similaires, facteurs sémantiques sur lesquels s'échafaudent les états de non-sanité. (pp. 279-280)

f) Les problèmes qui se présentent à nous sont subtils, et la ligne de démarcation entre 'sanité', 'non-sanité' et 'folie' est extrêmement ténue; mais ce n'est pas une raison pour négliger le bénéfice neurologique de l'investigation psychophysiologique. Il paraît évident que les attitudes envers nos formes de représentation et envers nos réactions sémantiques sont fondamentalement affectées par ces perturbations de l'évaluation appelées identification ou confusion des ordres d'abstractions, et en particulier par l'objectification, qui assigne des valeurs et des significations non-justifiées et trompeuses à ces formes. (p. 306)

g) Si nous vivons dans un tel monde humain aussi fortement complexe, mais que nos réactions sémantiques, du fait d'une évaluation incorrecte, ne s'ajustent qu'au monde de l'animal, plus simple et à tout le moins exempt des complications créées par l'homme, l'ajustement et la sanité pour les humains sont impossibles. Nos réactions sémantiques sont tenues de se conformer aux modèles animalistes plus simples, pathologiques pour l'homme. Toute l'expérience humaine, scientifique ou autre, montre que nous copions encore les animaux dans nos réactions nerveuses, essayant de nous ajuster à un monde de structure animale, simple et fictive, alors qu'en réalité nous vivons dans un monde de structure humaine très complexe, assez différente. Bien sûr, dans ces conditions qui en fin de compte se montrent trompeuses, l'ajustement humain est impossible; d'où évaluations fausses, réactions sémantiques animalistes, et état général de non-sanité. (p. 397)

 

Termes non-définis [undefined terms]

a) Nous demandons d'abord quelle est la 'signification' de chaque mot prononcé, en nous satisfaisant de définitions approximatives; puis nous demandons la 'signification' de chaque mot employé dans les définitions, et nous poursuivons le processus pendant 10 à 15 minutes, pas davantage, jusqu'à ce que la victime commence à tourner en rond – par exemple en définissant «espace» par «longueur» et «longueur» par «espace». À ce stade, nous sommes d'habitude en présence des termes non-définis propres à cette personne. (p. 21)

b) Nous voyons que la structure de n'importe quel langage, mathématique ou courant, est telle qu'il nous faut commencer implicitement ou explicitement par des termes non-définis. (p. 152)

c) Dans la littérature scientifique d'autrefois, on avait l'habitude de demander «définissez vos termes». Le nouveau modèle de la science en 1933 devrait réellement être «énoncez vos termes non-définis». Autrement dit, «déposez sur la table votre métaphysique, la structure que vous supposez, et ne commencez qu'alors à définir vos termes à l'aide de ces termes non-définis». (p. 155)

d) Nous avons vu que nous devons partir de termes non-définis, qui représentent des suppositions et des postulats structurels, puisqu'à une date donnée nous n'avons aucun moyen de les expliquer ou de les définir. Nous avons trouvé que ces termes non-définis représentaient notre métaphysique inconsciente, et que la façon de rendre consciente cette métaphysique inconsciente était de partir explicitement de termes non-définis, de produire un système de postulats, etc. façon d'agir qui n'est complètement réalisée qu'en mathématiques. (p. 505)